Plein feu sur la forêt varoise

Article signé Frédéric-Georges Roux, Président de Fransylva PACA, extrait du n°615 de Forêts de France (juillet/août 2018)

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Quelques vérités à l’aube d’un nouvel été

Lors de l’été 2017, le vent a réveillé les incendiaires et les collines varoises ont à nouveau été la proie des flammes. Un an plus tard, avec le retour de la chaleur, il n’est pas inutile de rappeler quelques vérités…

Ce n’est pas le changement climatique qui met le feu aux forêts, ce sont les hommes. Depuis 1998, sur 96 incendies ayant parcouru plus de 10 hectares dans le Var, et dont la cause a été identifiée, la malveillance a été à l’origine de 48 d’entre eux, la moitié ! Un seul, causé par la foudre, fut d’origine naturelle. 14 furent accidentels et 33 liés à des travaux, dont 24 à des travaux effectués par des particuliers.

4 000 ha brûlés en 2017

FdF 2018-615 Incendies FGR p15-1Ces chiffres donnent à réfléchir sur les mesures qui deviennent impératives, car il n’est pas envisageable d’augmenter à l’infini les moyens de lutte, déjà importants et surtout efficaces. La stratégie d’attaque prioritaire des feux naissants a montré que les surfaces dévastées ont été limitées depuis près de vingt ans, l’année 2003 mise à part. Alors qu’on était presque habitué à ce que 10 000 hectares partent en fumée tous les deux ans avant l’année noire de 1990 (27 000 hectares), nos pompiers (et tous ceux qui participent à la prévention, à la surveillance et au combat, notamment les 5 000 bénévoles des CCFF varois) ont été à la hauteur car le nombre de départs de feux n’a guère diminué. En 2017, la forêt varoise a perdu seulement 4 000 hectares sur quatre grands feux (La Londe, Ramatuelle, Bormes et Artigues) que les criminels ont allumés loin de tout, la nuit, en profitant de vents très violents. Les trois feux de la côte, en pleine saison touristique, ont « bénéficié » d’une hyper-médiatisation et fait l’objet d’un amalgame avec les feux dramatiques que nos voisins du Portugal ont dû affronter, alors que les dimensions ne sont pas comparables comme en témoigne le tableau ci-dessous.

Parlons gros sous

FdF 2018-615 Incendies FGR p15-2La DFCI (Défense des forêts contre l’incen¬die) a un coût, assez facilement mesurable en grattant dans les budgets de l’État et des collectivités, et en évaluant le coût des dégâts aux maisons et autres biens maté¬riels endommagés. Mais quelle est la perte pour nos forêts, êtres vivants ne demandant qu’à vivre, à survivre, à revivre, sources de produits renouvelables commercialisables (bois, énergie, champignons, châtaignes, plantes, gibier…), de services écosystémiques indispensables et gratuits (stockage de carbone, production d’oxygène, filtration des eaux, ralentissement des inondations, gestion des sols…), de services environnementaux (biodiversité, paysages…), de services sociaux (tourisme, loisirs éducatifs, promenades, sports, chasse…)? Il leur faudra, pour retrouver leur état et leur rythme initiaux, une centaine d’années pendant lesquelles on fera face à ce constat :

  • la biodiversité a disparu,
  • le paysage et ses revenus touristiques ont disparu,
  • l’énergie biomasse partie en fumée a pollué l’atmosphère de ses particules fines, chauffé les nuages et a dû être compensée par un peu plus d’énergie fossile,
  • le bois d’œuvre perdu a dû être remplacé par d’autres matériaux dont le bilan carbone est désastreux,
  • les sols se sont érodés,
  • les risques d’inondation ont crû…

Quelques pistes… forestières

Il ne s’agit pas de pistes DFCI, mais de pistes d’actions proposées par les forestiers pour diminuer le plus possible les départs de feux car tous les grands feux ont commencé par un petit feu :

  • FdF 2018-615 Incendies FGR p15Sanctionner sans pitié les coupables de manière exemplaire et visible, et perdre l’habitude d’éteindre un mégot avec un Canadair.
  • Faire respecter les OLD : une habitation et les personnes « confinées » sont suffisamment protégées quand le débroussaillement est bien réalisé ; les pompiers ainsi libérés de cette surveillance peuvent défendre les forêts.
  • Cesser d’urbaniser à proximité immédiate des forêts car ce sont les maisons et les hommes qui y fument et cuisinent qui sont un danger pour nos bois.

Frédéric-Georges Roux
Président de Fransylva PACA

La chasse au grand gibier dans le département des Hautes-Alpes

Article (daté du 2 mai 2015) signé Robert Cancé, conseiller élu au Centre Régional de la Propriété Forestière de la région Provence-Alpes-Côte d’Azur

Le département des Hautes-Alpes est un département rural très peu peuplé avec des traditions de chasse nombreuses et très ancrées dans la mémoire. Il possède des particularités cynégétiques liées à l’histoire, à ses singularités géographiques et altitudinales et aux évolutions tant sociétales que gibiers-chasseurs. Du chamois à la grive les passions y sont souvent exacerbées. La venue et la prolifération d’espèces encore inconnues il y a peu ont encore accentué des visions et des divergences des uns et des autres : dirigeants, écologistes, agriculteurs, forestiers et chasseurs.

Ces particularismes pourraient être abordés et débattus au sein de trois grands thèmes :

  • l’aspect ludique et économique.
  • la législation et les règlementations.
  • la gestion départementale au sens large du terme.

1) Aspect ludique et économique

Dans le département ce sont environ 5 800 chasseurs qui pratiquent leur activité au sein de plus de 200 territoires de chasse adhérents à la Fédération. Si l’on considère qu’un chasseur « invite » au moins une fois un autre chasseur « étranger » ce sont au total des journées chasse extrêmement nombreuses et une forte activité qui entrainent donc des retombées économiques importantes : restaurants, hôtels, les armes, les munitions, les vêtements, les cartes de chasse, les chiens avec accessoires, nourriture et santé, les guides de chasse, les observateurs, administrateurs, chercheurs et techniciens, la garderie publique et privée, et la liste n’est pas exhaustive, tous contribuent à une économie départementale difficile à chiffrer mais certainement loin d’être négligeable.

L’aspect ludique avec les fortes traditions des repas en famille ou entre amis, sorties en montagne ou en forêts contribuent à assouvir une passion qui se transmet de générations en générations, sans oublier les récits épiques au coin du bar, entre amis ou à la veillée.

2) Législation et réglementation

La législation, surtout la Loi d’orientation agricole et forestière de l’automne dernier en matière de chasse et en particulier les dispositions relatives aux plans de chasse du grand gibier concernent particulièrement le département. Les propriétaires forestiers directement ou potentiellement impactés par les dégâts occasionnés en forêt, préoccupés de l’avenir ou tout au moins sensibilisés à un certain équilibre agro-sylvo-cynégétique cherchent des explications et des solutions à nombre de questions.

Le département est sous le régime des Associations Communales de Chasse Agréées (A.C.C.A.) Toutes les anciennes sociétés « banales » sont donc dans l’illégalité. Cette disposition distrait le droit de chasse de celui de la propriété tel que prévu par le Code Civil. Les propriétaires ne peuvent plus s’opposer à la chasse sur leurs terres sauf dispositions prévues par la Loi : droit de non chasse, surfaces supérieures à soixante ha pour le département, etc…

Si, dans une première période, les propriétaires forestiers ne se sont pas trop préoccupés de cette disposition, aujourd’hui il n’en est plus de même avec la prolifération des grands animaux comme les sangliers, cerfs, chevreuils, mouflons et chamois : Dégâts ?  Informations ?  Exacerbation de la propriété ?  Exclusion de la gestion ?  Nous entendons de plus en plus de protestations avec des demandes de régulation forte et les possibilités de sortir de cette contrainte A.C.C.A. sont en hausse constante.

C’est le Schéma Départemental de Gestion Cynégétique (SDGC) dans son article L425-1 du Code de l’Environnement qui propose les plans de chasse. Ils sont élaborés par la Fédération des Chasseurs en concertation avec les Chambres d’Agriculture, les représentants de la propriété privée rurale et des intérêts forestiers, « en particulier lorsque le programme de la forêt et du bois prévu à l’article L 122-1 du Code Forestier fait état de dysfonctionnement au regard de l’équilibre sylvo-cynégétique » (art.425-1).

L’article L122-1 est relatif aux documents d’orientation et de gestion élaborés par la commission régionale de la forêt et du bois et qui fixe par massif forestier les priorités économiques, environnementales et sociales et les traduit en objectifs. Il définit les critères de gestion durable et multifonctionnelle et des indicateurs associés.

Le schéma doit être compatible avec le plan régional de l’agriculture durable… avec les orientations régionales de gestion et de conservation de la faune sauvage et de ses habitats… et avec les programmes régionaux de la forêt et du bois… (Article L425-1)

Il est approuvé, « après avis de la commission départementale compétente en matière de chasse ou de faune sauvage, par le Préfet, qui vérifie notamment qu’il est compatible avec les principes énoncés à l’article L420-1 et les dispositions de l’article L425-4 du présent Code… »(art. L.425-1)

Le fameux L425-4 qui a tant fait couler encre et salive !!!

« L’équilibre agro-sylvo-cynégétique consiste à rendre compatible, d’une part, la présence durable d’une faune sauvage riche et variée et, d’autres part la pérennité et la rentabilité économique des activités agricoles et sylvicoles.

Il est assuré, conformément aux principes définis à l’article L420-1, par la gestion concertée et raisonnée des espèces de faune sauvage et de leurs habitats agricole et forestiers.

L’équilibre agro-sylvo-cynégétique est recherché par la combinaison des moyens suivants : la chasse, la régulation, la prévention des dégâts de gibier par la mise en place de dispositifs de protection et de dispositifs de dissuasion ainsi que, le cas échéant, par des procédés de destruction autorisés. La recherche de pratiques et de systèmes de gestion prenant en compte à la fois les objectifs de production des gestionnaires des habitats agricoles et forestiers et la présence de la faune sauvage y contribue. L’indemnisation mentionnée à l’article L426-1 peut contribuer à cet équilibre.

L’équilibre agro-sylvo-cynégétique tend à permettre la régénération des peuplements forestiers dans des conditions économiques satisfaisantes pour le propriétaire, dans le territoire forestier concerné. Il prend en compte les principes définis aux articles L112-1, L121-1 à L121-5 du nouveau Code Forestier ainsi que les dispositions des programmes régionaux de la forêt et du bois mentionnés à l’article L122-1 du même Code. »

 L’article L420-1 : « La gestion durable du patrimoine faunique et de ses habitats est d’intérêt général. La pratique de la chasse, activité à caractère environnemental, culturel, social et économique, participe à cette gestion et contribue à l’équilibre entre le gibier, les milieux et les activités humaines en assurant un véritable équilibre agro-sylvo-cynégétique.

Le principe de prélèvement raisonnable sur les ressources naturelles renouvelables s’impose aux activités d’usage et d’exploitation de ces ressources. Par leur action de gestion et de régulation des espèces dont la chasse est autorisée ainsi que par leurs réalisations en faveur des biotopes, les chasseurs contribuent au maintien, à la restauration et à la gestion équilibrée des écosystèmes en vue de la préservation de la biodiversité. Ils participent de ce fait au développement des activités économiques et écologiques dans les milieux naturels, notamment dans les territoires à caractère rural. » 

 Le plan de chasse est défini par l’article L425-6 :

« Le plan de chasse détermine le nombre minimum et maximum d’animaux à prélever sur les territoires de chasse. Il tend à assurer le développement durable des populations de gibier et  à préserver leurs habitats, en prenant en compte les documents de gestion des forêts mentionnés à l’article L122-3 du Code Forestier et en conciliant les intérêts agricoles, sylvicoles et cynégétiques.

Pour le grand gibier, il est fixé après consultation des représentants des intérêts agricoles et forestiers pour une période qui peut être de trois ans et révisable annuellement. Il est fixé pour une année pour le petit gibier.

Pour assurer un équilibre agricole, sylvicole et cynégétique, le plan de chasse est appliqué sur tout le territoire national pour certaines espèces de gibier dont la liste est fixée par décret en Conseil d’Etat. Lorsqu’il s’agit du sanglier, le plan de chasse est mis en œuvre après avis des fédérations départementales ou interdépartementales des chasseurs. » 

D’un  résumé d’une longue litanie législative, ici non exhaustive, que retenir de l’esprit de la Loi ?

  • Certainement une recherche d’un équilibre grand gibier, agriculture et forêts avec : « Le principe de prélèvement raisonnable sur les ressources naturelles renouvelables s’impose aux activités d’usage et d’exploitation de ces ressources. » (art. L420-1) . « L’équilibre agro-sylvo-cynégétique tend à permettre la régénération des peuplements forestiers dans des conditions économiques satisfaisantes pour le propriétaire, dans le territoire forestier concerné » (art. L425-4). « Le schéma doit être compatible avec le plan régional de l’agriculture durable… avec les orientations régionales de gestion et de conservation de la faune sauvage et de ses habitats… et avec les programmes régionaux de la forêt et du bois… » (art. L425-1).
  • Une concertation entre tous les acteurs pour l’écriture du plan de chasse : «  il est fixé après consultation des représentants des intérêts agricoles et forestiers » (art. L425-6).
  • Une gestion durable compatible avec les intérêts économiques : «  La gestion durable du patrimoine faunique et de ses habitats est d’intérêt général » (art. L.420-1), là,  « forestièrement » parlant, il y a du grain à moudre, car, jusqu’à présent, dans les esprits, les forêts fourre-tout pouvaient tout supporter et probablement plus encore au sein de la propriété privée, trop souvent ignorée.

3) Gestion départementale au sens large du terme.

La gestion de la chasse est certainement l’apanage de la Fédération Des Chasseurs (F.D.C.) du département. Elle possède les structures et les techniciens nécessaires.

Elle peut s’appuyer sur différentes techniques telles les comptages et les différentes études propres à chaque espèce pour élaborer le plan de chasse spécifique à une espèce donnée et pour un certain équilibre vis-à-vis des milieux. Par exemple, l’Observatoire de la Grande Faune et de ses Habitats (O.G.F.H.), grâce à un réseau de placettes réparties sur le département et différentes régions, émet des avis techniques vers la F.D.C. pour le grand gibier.

Conformément à la Loi, la Fédération des Chasseurs des Hautes-Alpes établit le plan de chasse départemental. Plusieurs réunions de commissions préparatoires ont lieu avant la Commission Départementale de la Chasse et de la Faune Sauvage (CDCFS) afin d’éviter de longs débats peu productifs lors de la réunion plénière. Au cours de ces réunions la Fédération, représentée en nombre, défends bec et ongle son point de vue, malgré les remarques de certains propriétaires agricoles et forestiers, certainement avec comme objectif principal une présence forte d’animaux afin d’assouvir les desiderata de ses membres de moins en moins enclins à fournir d’efforts, téléphones portables, colliers de localisation, GPS, radio et autres 4 x 4 en sont des constats frappants.

La Fédération joue donc sur une position technique avérée et comme leader, mais aussi sur la Loi instituant les A.C.C.A. qui écarte de fait les « petits » propriétaires agricoles et forestiers de la gestion ainsi que sur la communication envers le grand public en se positionnant sur des prélèvements à minima et donc en protectrice de la faune sauvage chère au grand public et autres défenseurs drapés de vert.

Elle balaie souvent d’un revers de manche les observations des propriétaires confrontés quotidiennement aux dégâts et à l’impact sur les milieux. Pour elle, les abroutissements agricoles et forestiers, frottis et casse, ne sont pas la priorité alors qu’une gestion équilibrée est une nécessité « sine qua non », inscrite dans la Loi, pour la pérennité agricole et forestière avec pour conséquence vitale la présence et la diversité de la flore et donc de la faune.

Lors de la réunion plénière, les propriétaires agricoles et forestiers sont minoritaires face aux différents défenseurs de la « nature », à la Fédération et gestionnaires divers. L’Administration étant plutôt comptable des débats.

À l’évidence, lors de ces assemblées et commissions, il faut augmenter l’argumentaire et la présence des propriétaires forestiers qui ne sont pris en compte que de façon trop marginale. Les agriculteurs, leurs manifestations spectaculaires, parfois violentes, sont davantage écoutés. Les indemnités qui leurs sont versées en compensation des dégâts y contribuent aussi, ce qui n’est pas le cas, jusqu’à maintenant, des propriétaires forestiers.

Les forêts publiques et privées sont également concernées, l’une est considérée comme le bien commun de tous, l’autre quasi ignorée. Elles ont intérêt à constituer un front commun, rapidement, les divergences avec les chasseurs sont de plus en plus prégnantes. Il est temps de gommer certains messages et bruits divers nuisibles à l’entente nécessaire et obligatoire entre forestiers et chasseurs. Les dégâts sur les milieux de nos forêts plutôt « moyens-pauvres » sont de plus en plus visibles avec des diversités floristiques en forte baisse, en sachant de plus que les temps de cicatrisation et de réponse aux dégâts dans nos forêts sous influences méditerranéennes sont très longs voire irréversibles lors de plantations par exemple.

L’imbrication avec le monde agricole est aussi évidente,  les parcours, les cultures, les bois et forêts sont autant de lieux d’attrait, à des degrés divers, pour la grande faune. Tous les propriétaires ruraux sont donc concernés par « l’équilibre agro-sylvo-cynégétique ».

Robert Cancé
Conseiller élu au CRPF PACA