Le texte de cet article est une synthèse extraite d’un exposé fait en septembre 2015 par Frédéric-Georges Roux dans le cadre du Comité Forêt du futur Parc Naturel Régional de la Sainte-Baume.
Plus que toutes autres dans le monde et surtout depuis plus longtemps, les forêts françaises sont gérées durablement.
En 1291, Philippe le Bel créa l’Administration des Eaux et Forêts, puis, en 1346, Philippe de Valois instaura le premier code forestier.
Aujourd’hui, les forêts publiques (forêts domaniales appartenant à l’État et forêts appartenant aux collectivités territoriales) sont soumises au « Régime Forestier » et gérées par l’Office National des Forêts (ONF). De leur côté, les forêts privées (75 % de la forêt française) sont soumises au « Code Forestier » dont la version actuelle a été remise à plat en juillet 2012.
Des principes de base
Article L111-1
- Le présent code est applicable aux bois et forêts indépendamment de leur régime de propriété.
Article L111-2
- Sont considérés comme des bois et forêts au titre du présent code les plantations d’essences forestières et les reboisements ainsi que les terrains à boiser du fait d’une obligation légale ou conventionnelle.
- Le titre III du présent livre et les dispositions pénales qui s’y rapportent s’appliquent également aux landes, maquis et garrigues.
Article L112-1
- Les forêts, bois et arbres sont placés sous la sauvegarde de la Nation, sans préjudice des titres, droits et usages collectifs et particuliers.
- Sont reconnus d’intérêt général la mise en valeur et la protection des forêts ainsi que le reboisement…
Article L112-2
- Tout propriétaire exerce sur ses bois et forêts tous les droits résultant de la propriété dans les limites spécifiées par le présent code et par la loi, afin de contribuer, par une gestion durable, à l’équilibre biologique et à la satisfaction des besoins en bois et autres produits forestiers.
- Il en réalise le boisement, l’aménagement et l’entretien conformément à une sage gestion économique.
Multifonctionnalité de la forêt
Ce préambule rappelle que si les forêts font partie du patrimoine de la Nation, elles appartiennent d’abord à leurs propriétaires (privés ou publics) qui en ont la charge mais aussi les revenus.
Il confirme également la loi d’orientation de la forêt de 2001 qui faisait état du rôle multifonctionnel de la forêt et en priorité de son objectif économique :
- fonction économique,
- fonction environnementale,
- fonction sociale.
Premiers protecteurs et premiers défenseurs de l’environnement
Les espaces forestiers, entretenus par l’homme, ne sont pas strictement des espaces purement naturels. Ils sont cependant les premiers protecteurs de l’environnement et de la planète.
Les forêts filtrent l’eau, maintiennent la qualité des sols, extraient l’oxygène du CO2 et stockent le carbone.
Elles sont, avec les océans, le plus formidable réservoir de biodiversité. En Provence-Alpes-Côte d’Azur nous avons recensé plus de 130 espèces d’arbres, plus de 70 % des espèces de la flore française, 73 espèces de mammifères, 120 espèces d’oiseaux…
La France métropolitaine compte près de 2 milliards et demi de m3 de bois sur pied dont nous ne prélevons qu’une centaine de millions de m3 chaque année, soit moins de 60 % de l’accroissement biologique annuel (moins de 20 % en Provence-Alpes-Côte d’Azur) et nous replantons annuellement près de 60 millions d’arbres qui viennent s’ajouter à la régénération naturelle.
Et surtout, nos forêts sont gérées durablement car, étant en première ligne sur le terrain et, plus que tout autre, en position d’agir, nous sommes les premiers défenseurs de l’environnement.
« Déforestation » n’est pas Français
En métropole, la forêt croît, presque à vue d’œil.
À titre d’exemple, au 19ème siècle, la forêt couvrait moins de 150.000 hectares dans le Var. Elle en couvre aujourd’hui plus de 360.000, soit 62 % de la surface du département, ce qui en fait, à égalité avec les Landes, le premier département forestier de la France continentale.
Cet accroissement est dû à la déprise agricole d’une part (moins d’agriculteurs, exploitant les parcelles de meilleure qualité et plus faciles d’accès…) et, d’autre part, à une sous-exploitation de plus en plus importante depuis la seconde guerre mondiale. L’acier et le béton ont remplacé le bois dans la construction, le charbon, le pétrole et l’électricité se sont substitués au bois pour se chauffer et devenir les sources d’énergie pratiques, incontournables mais pas éternellement renouvelables.
Faute d’une exploitation suffisante, nos collines boisées sont abandonnées, le couvert forestier envahit et détruit des terres agricoles, en été, le soleil et le mistral aidant, nos arbres partent en fumée et chauffent les nuages. Les milieux se ferment, ce qui nuit à la biodiversité.
Il est temps de revenir à la sagesse et de récolter raisonnablement ce que la nature offre durablement à l’homme des bois.
Il y va à la fois de la survie de nos forêts et d’une bonne gestion durable d’une richesse renouvelable dont l’utilisation, y compris en bois-énergie, présente un bilan carbone exceptionnel et, après une coupe, ça repousse et le paysage retrouve vite sa beauté, plus rapidement qu’une forêt calcinée.
N’ayons pas la hantise de la déforestation car la gestion forestière est très, très, très encadrée, les forestiers sont des gens responsables et enfin, ce n’est pas la ressource qui manque. Nous ne prélevons qu’une faible partie de ce que nos forêts produisent annuellement sans oublier que nous avons du stock sur pied, beaucoup de stock, et même probablement trop de stock.
En transformant la biomasse en chaleur (et même en électricité), l’homme se contente de restituer dans l’atmosphère le carbone que l’arbre a accumulé et stocké pendant sa croissance, économisant au passage le CO2 des énergies fossiles qu’il ne consomme pas. En l’utilisant en construction et/ou en meuble, il ajoute plusieurs centaines d’années de séquestration de carbone tout en permettant aux jeunes arbres de se développer à la place des plus anciens, arrivés à maturité et dont la croissance et la capacité à stocker le carbone diminue avec l’âge.
Couper des arbres relève de la gestion sylvicole durable
Faire de la sylviculture ne se limite pas à planter ou à laisser la régénération naturelle faire son travail, C’est surtout suivre des itinéraires sylvicoles adaptés, adaptés aux essences, aux sols, au climat. C’est dépresser au moment approprié pour sélectionner les meilleures tiges, c’est élaguer les arbres d’avenir quand il le faut pour obtenir des troncs bien hauts, bien droits, sans nœuds pour apporter aux scieurs du bois d’œuvre de première qualité.
C’est enfin exploiter : marteler pour désigner les arbres à abattre, les abattre, les débarder pour les rapprocher des places où les grumiers pourront les charger, les transporter vers les lieux de première transformation puis de consommation, tout cela en s’assurant que les conditions techniques et économiques sont équilibrées et équitables, chacun devant y trouver son compte.
Frédéric-Georges Roux
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