Arrêt éventuel d’Uniper

Cet article, rédigé par Bernard Rérat, est extrait du Dossier Bois-Énergie publié dans le numéro 607 (octobre 2017) de Forêts de France.

Pour en savoir plus sur la revue Forêts de France ou vous abonner : cliquez ici

Au moment où cet article a été rédigé, le réaction des autorités locales (Préfet de Région et Président du Conseil Régional), ont non seulement permis à Uniper de continuer ses essais et l’exploitation mais aussi à ce que les principaux plaignants se retirent. Uniper est en train de finaliser les études d’impact qui ont été exigées par le Tribunal et l’hypothèse la plus probable est que le permis d’exploiter lui sera à nouveau accordé.

Nous vous suggérons également de lire la réaction de Fransylva PACA en cliquant sur : Gel de Gardanne ou les écologistes incendiaires !

UN MAUVAIS COUP À LA SYLVICULTURE EN PACA

Dans les Bouches-du-Rhône, la remise en cause, par le tribunal administratif de Marseille, de l’exploitation de la centrale biomasse de Gardanne inquiète de nombreux acteurs de la filière forêt-bois de Paca. Le renouveau de la sylviculture provençale est menacé.

1/5 de l’accroissement naturel prélevé

FdF 2017-607 p 28 Bois énergieLa France est un vieux pays dont on se demande si, aujourd’hui, son génie ne consiste plus qu’à compliquer les choses simples. Prenons un exemple récent dans le domaine de l’économie forestière. Le déficit courant de la balance commerciale de la filière forêt-bois —en seconde position derrière celui du pétrole— s’élève à 6 milliards d’euros. Dans le même temps, les forêts françaises sont notoirement sous-exploitées : sur une production de 8o millions de m3 de bois, quelque 20 millions de m3 restent chaque année sur pied. La région Paca, par exemple, brille par un des taux de mobilisation en bois les plus faibles de France. « À peine 20 % de l’accroissement naturel sont prélevés. La forêt provençale est devenue un espace sanctuarisé que se sont appropriés les néo-ruraux, les chasseurs, les touristes, les écologistes… » nous déclarait il y a quelque temps Sébastien Drochon, responsable bois énergie à la coopérative Provence Forêt.

De fait, dans le Sud-Est, toute une tradition forestière s’est diluée dans le maquis d’un mode de vie qui a oublié ses racines rurales. Faute d’entretien, les forêts se sont fermées et les incendies y ont trouvé le combustible nécessaire pour prospérer.

Les forêts continueront de croître

Or, l’émergence du bois énergie et la création récente de deux centrales productrices d’électricité à la biomasse renouvelable dans la région Uniper à Gardanne (13) et Sylviana à Brignoles (83)— pourraient permettre d’exploiter à terme un volume supplémentaire de 1,3 million de m3 de bois par an. Cet appel d’air sous forme ligneuse serait de nature à aider les propriétaires forestiers de la région à redynamiser la sylviculture provençale en effectuant les coupes d’amélioration et de récolte qui sont la bible de la gestion durable des forêts. Malgré cette nouvelle demande qui porterait à environ 6o % le taux de récolte forestière en Paca, le stock de bois sur pied des forêts provençales continuerait de s’accroître, a minima, d’au moins i million de m3 chaque année. Tout irait donc dans le bon sens si une décision du 8 juin 2017 du tribunal administratif de Marseille n’avait annulé l’autorisation préfectorale d’exploitation de la centrale biomasse Uniper de Gardanne. À la suite de plaintes d’associations et de certaines collectivités territoriales, le tribunal a jugé insuffisante l’étude d’impact du projet sur les espaces forestiers de la zone d’approvisionnement de la centrale. Uniper a neuf mois pour résenter un nouveau dossier.

Cette décision porte évidemment un mauvais coup à Uniper, dont les investissements cumulés à Gardanne s’élèvent actuellement à près de 300 millions d’euros.

Nous voici donc dans une situation quasi ubuesque où l’État a donné une autorisation d’exploiter à un producteur d’électricité verte’ qui s’est engagé financièrement sur des sommes considérables et qui, aujourd’hui, se retrouve menacé de fermeture dès sa première année d’exploitation.

Un vaste chantier d’intérêt général à l’arrêt?

FdF 2017-607 p 29 Bois énergieCe jugement menace tout un pan d’une filière. Et d’abord, les propriétaires forestiers. Avec les nouveaux débouchés du bois énergie contribuant à valoriser le fruit de leur travail, ceux-ci escomptaient pouvoir enfin renouer avec une sylviculture durable et dynamique synonyme de forêts productives, accueillantes, bien défendue contre les incendies et à la biodiversité sauvegardée.

De leur côté, les entrepreneurs de travaux forestiers et les exploitants forestiers ont beaucoup investi ces dernières années en vue de satisfaire aux approvisionnements en bois des deux nouvelles centrales (voir encadré 1= L’arrêt éventuel de l’activité de la plus importante des deux —Uniper à Gardanne (voir encadré 2)— serait préjudiciable au bon état de santé de ces entreprises, qui déjà souffrent de ces atermoiements. Dans une région où la forêt privée domine (68 % des massifs boisés de Paca), et où le morcellement règne (89 % des 225 000 propriétaires détiennent moins de quatre hectares) il n’y aurait rien de pire que d’envoyer un signal incohérent à tous ceux qui oeuvrent pour l’avènement d’une véritable filière d’approvisionnement en bois énergie. Avec l’aide des pouvoirs publics, cette nouvelle filière permettrait de sensibiliser les propriétaires, de lutter contre l’atomisation du foncier forestier, d’améliorer l’accès aux forêts, d’organiser la logistique, d’aider les entreprises de la mobilisation souhaitant investir. Bref, un vaste chantier d’intérêt général dorénavant menacé par une décision administrative sur la forme.

Bernard Rérat, Journaliste, Wood & Forest Agency

ENCADRÉ 1

EN PACA,UNIPER SUSCITE DES SOLUTIONS
D’EXPLOITATION FORESTIÈRE INNOVANTES

Gérald Masini dirige Sofeb-Masini, une société d’exploitation forestière basée à Aubagne (Bouches-du-Rhône). Comme beaucoup de ses collègues de Paca, il n’a pas hésité a investir dans sa spécialité: la récolte du bois énergie. Rien que sur 2016-2017, son entreprise a dépensé plusieurs centaines de milliers d’euros dans l’acquisition d’un porteur Ponsse et d’un broyeur Doppstadt, deux engins dédiés à la fabrication de plaquettes forestières. La menace de l’arrêt d’exploitation d’Uniper à Gardanne ne trouble cependant pas sa confiance. « Le bois énergie est un produit d’avenir car nous avons besoin d’une alternative énergétique renouvelable, et je suis un de ceux qui estiment qu’il existe suffisamment de ressource ligneuse dans les massifs boisés de Paca, exploitable en respectant la gestion forestière durable. Toutefois, cela nécessite une mobilisation de toute la filière et de ses partenaires publics

FdF 2017-607 p 30 Bois énergieSofeb-Masini s’est engagée dans de nouvelles pratiques. Désormais, l’entreprise réalise des chantiers à caractère paysager, sylvo-pastoral et de défense contre les incendies. Certains de ces chantiers répondent à un appel à initiatives émanant d’Uniper.

À la centrale de Gardanne, Gilles Martinez explique que ce programme de R&D d’appel à initiatives a été doté d’un budget de 550 000 euros sur 2015 et 2016. « Nous tentons de mobiliser localement une ressource supplémentaire de bois, en cherchant des solutions innovantes permettant de déverrouiller les freins que sont l’accès aux forêts, la desserte intra massif, la pente, le morcellement, le manque de culture forestière… »

Dans les Alpes-de-Haute-Provence, un de ces chantiers expérimentaux a profité des aides Uniper. Sofeb-Masini y a participé comme opérateur unique d’une exploitation se déroulant sur le territoire de l’Association syndicale libre (ASL) de gestion forestière Le Tréboux. Cette structure regroupe 40 propriétaires forestiers détenant un total de 1 007 hectares de forêts composées de taillis vieillis de hêtre et de médiocres futaies de pin sylvestre. Le bois énergie est le seul débouché assurant une valorisation économique des coupes prévues au PSG. Uniper a donc cherché à en préciser les meilleures conditions de faisabilité économique en étudiant différentes modalités d’exploitation : bois courts, bois longs, abattage manuel, mécanisé, vidanges des têtes…

Dans le Vaucluse, sur la commune de Roussillon, un autre chantier expérimental s’appuyant sur le regroupement de propriétaires privés et publics a été retenu. « L’ASL du massif des Ocres a obtenu une aide Uniper de 15 000 euros », indique Denis Danset, le président de l’ASL. Ici, originalité et la difficulté de la coupe effectuée par Sofeb-Masini résident dans son caractère paysager marqué, la plupart des parcelles martelées se situant à proximité du parcours très touristique du sentier des Ocres. Enfin, grâce au débouché bois énergie, Gérald Masini précise qu’il effectue régulièrement des coupes concourant à la défense des forêts contre les incendies.

ENCADRÉ 2

  • Localisation : Gardanne (Bouches-du-Rhône)
  • Propriétaire : Uniper France
  • Origine du projet : CRE 4
  • Début des travaux : 2013
  • Mise en service : 2016
  • Investissement : 300 millions € à juillet 2017
  • Effectif : 180 salariés et 100 emplois induits
  • Type de centrale : à biomasse renouvelable
  • Technologie : à lit fluidisé circulant
  • Puissance électrique : 150 MW (soit en équivalence : 440 000 ménages servis)
  • Consommation bois/an : 850 000 tonnes
    • dont importations/an sur 2016-2022 : 335 000 tonnes en plaquettes
    • objectif à 10 ans : 100 % bois local
  • Type de bois :
    • 50 % bois forestier,
    • 40 % élagage, entretien, DFCI, déchets agricoles,
    • 10 % rebuts d’emballages
  • Certification de la centrale: PEFC, FSC