Chasseurs en phase avec les forestiers

Cette page est extraite du dossier Grands ongulés, la forêt sous pression publiée dans le n°615 (juillet/août 2018) de Forêts de France

Un exemple à suivre dans les Côtes-d’Armor

En 2016, Jacky Pallu, chasseur dans les Côtes-d’Amor, a signé avec un ingénieur du CRPF un guide pratique sur l’équilibre forêt-gibier. La preuve que chasseurs et forestiers peuvent travailler ensemble au profit d’objectifs compatibles.

Comment cette expérience a-t-elle débuté ?

FdF-2018-615-Cervidés-p26Les travaux ont démarré dans les Côtes-d’Armor en 2013 en réponse au risque de subir d’importants dégâts de gibier. Il y avait alors des reboisements massifs en remplacement de peuplement résineux parvenus à maturité ou atteints par le dendroctone. Le président de la Fédération de chasse et le DDTM m’ont demandé de travailler sur le sujet. Avec l’IRTESA, le CRPF et l’ANCGG[1], nous avons organisé des formations pour parvenir à une évaluation partagée des dégâts. C’est dans ce contexte que j’ai rencontré Pierre Brossier, du CRPF. Nous avons réalisé le guide ensemble en 2016.

II est rare qu’un chasseur s’intéresse à la gestion forestière…

Dès le départ, le président de la fédération avait conscience que défendre l’équilibre forêt-gibier, c’était défendre une chasse durable. Que celle-ci ne pourrait perdurer si le gibier empêchait les sylviculteurs de travailler. Personnellement, j’ai la conviction qu’il faut mieux se connaître. J’ai découvert l’économie forestière, les coûts et prix de vente, en lisant les comptes d’exploitation d’une forêt que je venais de visiter… Il est important qu’une forêt de production puisse continuer à produire du bois. Une trop forte présence d’animaux peut mettre en péril cette économie.

Au bout de cinq ans, quels sont les résultats ?

Le dialogue est apaisé et nous commençons à parler de prévention, alors que nous étions au début sur du curatif. À chaque alerte, nous nous déplaçons chez le propriétaire et nous inventorions les dégâts. Il existe trois classifications : dégâts acceptables, moyennement acceptables ou inacceptables. Il n’y a pas très longtemps, dans la commune du Reil, des gens se sont plaints de frottis sur des plants de robiniers et de chênes rouges. Le constat est remonté directement à la commission départementale et les chasseurs locaux ont obtenu des tirs d’été supplémentaires. La règle : il faut y aller tout de suite. Surtout pas d’inertie. Il ne suffit pas d’en parler, il faut agir !

Dans votre guide, vous proposez une série de clés aux chasseurs et forestiers. Quelques exemples ?

Lorsque vous replantez après une coupe rase, le chevreuil va arri-ver immédiatement. Avant, il faut réaliser des éclaircies autour du périmètre à exploiter afin de créer une diversion. Nous faisons aussi le constat que les principaux dégâts ont lieu à partir du 15 janvier, car les animaux n’ont plus rien à manger. Dans les zones sensibles, il faut donc réaliser l’essentiel du plan de chasse avant cette date. Il faut aussi développer les tirs d’été. Mais quand on demande aux chasseurs habitués aux battues hivernales de réaliser des bracelets l’été, cela crée un bouleversement des cultures…

Propos recueillis par Pascal Charoy

Pour ne pas perdre l’équilibre

Le travail dans les Côtes-d’Amor, mené en commun par les chasseurs et les forestiers, a abouti à des réalisations concrètes :

  • La formation de 250 personnes, moitié chasseurs, moitié propriétaires, pour parvenir à un diagnostic partagé par tous.
  • La réalisation d’un guide pratique de 80 pages. Cette boîte à outils permet de mesurer objectivement l’équilibre forêt-gibier, d’identifier les causes d’un déséquilibre et d’y remédier en améliorant les pratiques des deux côtés. Le guide s’est vendu à 300 exemplaires. Il est accessible sur la plate-forme Calaméo : fr.calameo.com
  • En mars, l’IDF a proposé, dans une forêt modèle d’Eure-et-Loir, un stage de deux jours et demi sur l’usage de ce guide. Il a attiré des gestionnaires forestiers et des techniciens des DDTM. L’expérience sera renouvelée.
  • En avril, tournage d’un petit film de vulgarisation de six minutes expliquant la philosophie du guide. D’ici la fin de l’année, il viendra alimenter la plate-forme : jemeformepourmesbois.
  • Un film de vingt-six minutes est en projet pour venir compléter, par l’image, la démarche instaurée dans les Côtes-d’Armor.

[1] Association nationale des chasseurs de grand gibier