Dans la rubrique « Conseils juridiques » du n°607 (octyobre 2017) de Forêts de France, Nicolas Rondeau, juriste de Fransylva, fait le point sur l’obligation de compensations des atteintes à la biodiversité.
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L’obligation de compenser les atteintes à la biodiversité, à laquelle peuvent être tenus des porteurs, de projet, peut intéresser les propriétaires forestiers à plus d’un titre.
L’obligation de compenser
Le code de l’environnement contient plusieurs dispositions qui obligent, dans le cadre de procédures d’autorisation administrative, à compenser les atteintes à la biodiversité occasionnées par la réalisation d’un projet de travaux ou d’ouvrage ou par la réalisation d’activités ou l’exécution d’un plan, d’un schéma, d’un programme ou d’un autre document de planification.
La personne soumise à l’obligation de mettre en œuvre des mesures de compensation des atteintes à la biodiversité, également dénommée « maître d’ouvrage », a plusieurs moyens d’y satisfaire. Elle peut tout d’abord le faire directement, par ses propres moyens. Par exemple, dans le cadre d’une autorisation de défrichement, un propriétaire forestier peut avoir à compenser les atteintes à la biodiversité que le défrichement engendre. Dans ce cas, il pourra les compenser par ses propres moyens, sur les terrains qui lui appartiennent. Mais les propriétaires forestiers pourront également intervenir pour des tiers dans le cadre de la compensation des atteintes à la biodiversité par la mise en œuvre de mesures de compensation sur leurs terrains. Pour ce faire, ils pourront, soit intervenir directement dans la mise en œuvre de ces mesures, soit mettre leurs terrains à la disposition des personnes mettant en œuvre ces mesures.
Dans tous les cas, les mesures pourront être prises a posteriori. Mais elles pourront également l’être a priori, par la mise en place de « sites naturels de compensation» agréés par l’État (1) ».
Mise à disposition des terrains
Le code de l’environnement aborde différemment les mesures de compensation mises en œuvre a priori ou a posteriori.
Lorsqu’elles sont mises en œuvre a posteriori sur un terrain n’appartenant ni à la personne soumise à l’obligation de mettre en œuvre ces mesures, ni à l’opérateur de compensation qu’elle a désigné, un contrat conclu avec le propriétaire doit définir la nature des mesures de compensation et leurs modalités de mise en œuvre, ainsi que leur durée (2). Ce sont les seuls éléments expressément prévus par le Code de l’Environnement dans ce cas. La loi ne fait état que de la nécessité d’un contrat, sans en définir plus précisément la nature. Pour le propriétaire forestier, il est possible d’envisager la conclusion d’un bail (3) ou d’un prêt à usage (4). Il peut également être envisagé de constituer une obligation réelle environnementale, régie par l’article L132-3 du Code de l’Environnement.
Si les mesures de compensation sont mises en œuvre a priori dans le cadre d’un « site naturel de compensation », c’est-à-dire de manière anticipée et mutualisée, le Code de l’Environnement prévoit simplement que la personne qui demande l’agrément du site doit justifier des droits permettant la mise en œuvre des obligations de compensation (5) sur les terrains d’assiette du site naturel de compensations.
L’arrêté du 10 avril 2017, qui fixe la composition du dossier de demande d’agrément, précise que l’opérateur de compensation doit fournir tout document justifiant du statut foncier des terrains en mentionnant: acte de propriété ou copie du ou des contrats de nature à assurer la pérennité du site naturel de compensation a minima sur la durée de validité de l’agrément. Or, celle-ci ne peut pas être inférieure à trente ans. La nature du contrat liant le propriétaire forestier à l’opérateur de compensation n’est pas plus précisée. Mais la durée du contrat est ainsi plus encadrée.
Le propriétaire forestier : un opérateur de compensation ?
Pour les mesures de compensation mises en œuvre a posteriori, le Code de l’Environnement est succinct quant aux conditions que doivent remplir les opérateurs de compensation. Seule leur définition apporte quelques éléments. Elle prévoit qu’il s’agit d’une personne publique ou privée chargée, par une personne soumise à une obligation de mettre en œuvre des mesures de compensation des atteintes à la biodiversité, de les mettre en œuvre pour le compte de cette personne et de les coordonner à long terme (6).
Les termes « pour le compte de » pourraient laisser penser que le contrat qui unit le « maître d’ouvrage » et l’opérateur de compensation est un mandat. Mais il semble qu’il faille plutôt voir dans l’utilisation de cette expression le fait que le « maître d’ouvrage » reste l’unique responsable, vis-à-vis de l’administration, de la mise en œuvre des mesures de compensation (7). Ainsi, le Code de l’Environnement prévoit expressément que « le maître d’ouvrage reste seul responsable à l’égard de l’autorité administrative qui a prescrit (les] mesures de compensation ». Dès lors, le contrat conclu entre le « maître d’ouvrage » et l’opérateur de compensation pourrait consister en tout autre type de convention. Le propriétaire forestier fournissant une prestation de service au maître d’ouvrage, le schéma correspond tout à fait au contrat d’entreprise (8). La loi prévoit également que les opérateurs de compensation doivent coordonner à long terme les mesures de compensation. La durée visée n’est pas plus précisée, ce qui offre une certaine latitude. En toute logique, la durée du contrat dépendra des mesures de compensation prévues par l’autorisation administrative.
Les conditions auxquelles devront répondre les opérateurs de compensation ne sont pas plus précisées pour les mesures mises en œuvre a posteriori. Les règles qui s’appliquent à eux sont donc plus souples que dans le cadre des mesures a priori. Ainsi, un propriétaire forestier pourrait être tenté d’obtenir l’agrément en tant que « site naturel de compensation » pour les opérations de restauration ou de développement d’éléments de biodiversité qu’il réaliserait dans sa forêt (9). Sa démarche s’inscrirait alors dans le cadre d’une compensation a priori des atteintes à la biodiversité.
Mais l’obtention de l’agrément nécessite le dépôt d’un dossier conséquent dans lequel le propriétaire forestier devra justifier du fait que les opérations de restauration ou de développement d’éléments de biodiversité seront mises en place par une personne disposant des capacités techniques et financières nécessaires. Le contenu du dossier de demande d’agrément est fixé par l’arrêté du 10 avril 2017 susmentionné. Si le site naturel de compensation est agréé, le propriétaire forestier sera en mesure de vendre des «unités de compensation» aux « maîtres d’ouvrage ».
Nicolas Rondeau, Juriste de Fransylva
Notes :
- Code de l’Environnement L163-3
- Code de l’Environnement L163-2
- La contrepartie financière sera soumise à imposition, généralement dans la catégorie des revenus fonciers pour les personnes relevant de l’impôts sur le revenu
- Également, il a pu être proposé la conclusion d’un contrat de fiducie
- Code de l’Environnement L163-1
- Code de l’Environnement L163-1
- Ce qui ne signifie pas que le contrat unissant le « maître d’ouvrage » et l’opérateur de compensation ne pourrait pas prévoir un recours du premier contre le second en cas de défaillance dans la mise en œuvre des mesures de compensation
- Avec les questions qui se poseront conséquemment sur l’incapacité des sociétés civiles, telles que les Groupements Forestiers, à proposer ce type de prestations, ou sur la fiscalité
- Cet agrément est donné par arrêté du ministre chargé de l’Environnement (Code de l’Environnement L163-2)