Réflexions en date du 26 avril 2017 de Robert Cancé,
gérant d’un Groupement Forestier des Hautes-Alpes,
conseiller au CRPF PACA
Cerfs et chevreuils : en tête pour les dégâts
La grande faune est extrêmement diverse et importante au sein du département des Hautes-Alpes. Si le bouquetin, le chamois et le mouflon sont des espèces assez peu préoccupantes pour les propriétaires agricoles et forestiers, sauf pour les estives, les cerfs, chevreuils et sangliers occasionnent des dégâts importants aux cultures et dans les forêts. De ces espèces il faut aussi modérer l’importance des dégâts des sangliers en forêts au contraire de leurs incursions dans les cultures.
Depuis un demi-siècle environ nous assistons à une colonisation des espaces et un accroissement très important de toutes les espèces pour ne pas dire « explosion démographique » de certaines.
De multiples raisons peuvent en être les causes en citant par exemple, la déprise agricole, l’urbanisation, la reforestation, mais aussi l’évolution de la société avec la perte des traditions ancestrales, le vieillissement des populations, les technologies, les pertes des repères naturels, ou encore l’extrême richesse de milieux propices à leur acclimatation, et la liste est loin d’être exhaustive.
Il faut prendre conscience que plusieurs milliers de têtes : cerfs, chevreuils et sangliers (chamois et mouflons hors de cause) sont prélevés sur les espaces dits « naturels » et qu’il est probablement utile de se poser la question : et si cette régulation n’existaient pas ?
Des réflexions partagées par nombre d’organisations
Je ne suis évidemment pas le seul dans une réflexion globale du constat décrit à celui d’équilibre agro-sylvo-cynégétique sans oublier les aspects humains et financiers et que dire des aspects sanitaires, certaines maladies transmissibles à l’homme, depuis la brucellose en passant par le ténia sans oublier la maladie de Lyme, par exemple. La forêt publique, la forêt privée, la chambre d’agriculture, la fédération des chasseurs le sont tout autant et, dans d’autres approches, certaines organisations se disant « protectrices ».
Il s’agit donc de problèmes multiples engendrés par une présence forte d’espèces diverses et en nombre important sur ce département.
- Les agriculteurs ne veulent plus de sangliers ni de cervidés dans leurs cultures. Voilà longtemps qu’ils se battent et obtiennent des indemnités payées par les chasseurs.
- La forêt publique ouvre les yeux depuis quelques années, constate des dégâts importants et demande des plans de chasse de plus en plus conséquents.
- La forêt privée est toujours en phase de somnolence pour de multiples raisons ne serait-ce que soit disant le morcèlement et le repli sur soi, le peu de valeur forestière, les faibles revenus, l’urbanisation, ou tout simplement les méconnaissances forestières et les multifonctionnalités des biens. Mais aussi les problématiques liées aux ACCA et les intérêts déclinants de la société envers la chasse.
- Les chasseurs et à travers eux leur fédération sont préoccupés de plus en plus par les diminutions de leurs effectifs et son vieillissement, le nombre d’animaux, les contraintes environnementales, la législation qui leur impose un certain équilibre, l’élaboration et la réalisation des plans de chasse.
- Les organisations environnementales, le nez dans le guidon, et qui, dans la plupart des cas, ne sont préoccupées que par la présence d’espèces pour lesquelles les ressentis relèvent plutôt de la sensiblerie et non d’approches globales et des possibles conséquences.
Dans ce contexte, qui fait quoi et comment pour ces problèmes de cohabitations et d’équilibres ?
À l’évidence c’est la fédération des chasseurs qui détient les clefs puisque de par la Loi elle doit élaborer et mettre en œuvre les plans de chasse pour une recherche d’un équilibre grand gibier, agriculture et forêts : « Le principe de prélèvement raisonnable sur les ressources naturelles renouvelables s’impose aux activités d’usage et d’exploitation de ces ressources. » (art. L 420-1) . « L’équilibre agro-sylvo-cynégétique tend à permettre la régénération des peuplements forestiers dans des conditions économiques satisfaisantes pour le propriétaire, dans le territoire forestier concerné » (art. 425-4). « Le schéma doit être compatible avec le plan régional de l’agriculture durable… avec les orientations régionales de gestion et de conservation de la faune sauvage et de ses habitats… et avec les programmes régionaux de la forêt et du bois… » (Art. L 425-1).
De tous ces constats la fédération doit trouver des solutions et des compromis. Elle prend donc des positions difficilement attaquables avec pour appuis des comptages, des constats des réalisations des plans de chasse, les dégâts et des observations diverses. De plus, et dans les Hautes-Alpes, l’Observatoire de la Grande Faune et de ses Habitats (OGFH) lui apporte des constats sur l’évolution des espèces et leur impact sur la flore par des conclusions de mesures sur des placettes disposées de façon aléatoire sur le département.
Afin d’être inattaquable, d’essayer d’élaborer des plans de chasse consensuels sinon réalistes elle essaie de fédérer autour de la mise en œuvre de ces comptages et observations : agriculteurs et chasseurs, forêts publiques, privées, grand public et bénévoles. Elle y parvient et produit des « tableaux de bord » qui sont les indications principales prises en compte pour la finalisation des plans de chasse.
Mais que fait (ou ne fait pas) le CRPF ?
Le CRPF au titre des forêts privées ne participe plus aux observations dans les placettes OGFH.
Voilà quelques temps que j’attire l’attention sur cette attitude arguant du fait que lors des réunions avec la fédération et sa déclinaison OGFH nous sommes montrés du doigt alors que les forêts privées sont tout aussi impactées que les forêts publiques et qu’elles n’apportent aucune participation à un faisceau de constats, se contentant de demandes des régulations. C’est très désagréable.
Lors de la réunion de ce 25 avril dernier, entre élus et techniciens CRPF, il nous a été confirmé une non participation aux observations.
Je suis au trois quarts de siècle et j’ai dépassé l’âge de me battre pour des sujets qui n’intéressent que peu de personnes, y compris forestières. Je regrette aussi de ne pas avoir su apprendre à lire à la grande faune afin qu’elle évite de se rendre dans les propriétés forestières privées et y occasionner des dégâts. Peut-être que parmi tous les acteurs elle n’était pas encore sensibilisée à cet apprentissage.
Je souhaite un réveil agréable et plein de promesses à tous les propriétaires forestiers avec des peuplements pérennes, des régénérations abondantes et bien sûr beaucoup de cervidés. Je suis toujours motivé pour ne pas se laisser « envahir ». Je ne baisse donc pas les bras et je continue de résister mais à titre tout à fait personnel au titre d’une gérance et pour l’avenir de peuplements en danger.
Robert Cancé
26 avril 2017