Des conséquences des dégâts de cervidés

Cette page est extraite du n° 645 (février 2018) de Forêts de Gascogne, le journal de la forêt cultivée

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En décembre 2017, le GPF Petite Lande a tenu une réunion pour pointer l’impact des dégâts de cervidés sur la rentabilité de la sylviculture, et chercher les meilleures solutions en termes d’équilibre sylvo-cynégétique.

Depuis environ trois ou quatre ans, une recrudescence des écorçages a été notée dans une zone comprise entre les villages de Lencouacq et Retjons, jusqu’aux portes d’Arue. Les télé-signalements de dégâts de gibier déposés sur l’Observatoire Territoire-Gibier montrent bien cette évolution.

C’est autour de ces observations que le GPF Petite Lande a organisé une réunion en décembre dernier sur le thème du déséquilibre sylvo-cynégétique. S’il est établi que le camp militaire du Poteau n’est pas étranger à cette évolution de populations de cerfs et biches, les reboisements aidés dans le cadre de la reconstitution après Klaus en subissent des dégâts conséquents.

Étude des dégâts

À partir d’une plantation de sept hectares de pins de cinq ans aidée par le plan Chablis, le CRPF a relevé au mois d’août 2017 l’état de 25% des arbres. Actuellement, compte tenu des pins dont la disparition est liée aux dégâts de gibier, la densité de ce peuplement s’établit à 1 110 tiges/ha.

La classification des pins (ou emplacements) s’est déroulée de la façon suivante :

  • Pins indemnes de traces d’écorçage : 7 %
  • Pins présentant uniquement des traces d’écorçage récentes ou anciennes : 66 %
  • Pins présentant des problèmes suite à l’écorçage : 16 %. Des attaques de pyrale du tronc ont été notées sur 6% des arbres. Les écorçages les plus sévères provoquent des courbures basales et des dessèchements de la partie sommitale de l’arbre. Les cas les plus sévères conduisent à la disparition de ces tiges avant la première éclaircie. Nous avons dénombré 10 % de ce type de tiges « non viables ».
  • Pins morts suite à du frottis ou écorçage : 5 %
  • Pins absents sans trace, et considérés comme morts à la reprise : 4 %
  • Emplacement non planté en raison de la présence de chênes conservés : 2 %

Approche économique

Trois hypothèses différentes ont été prises en compte pour effectuer cette analyse économique. La première est considérée comme l’itinéraire de référence. Dans cette hypothèse, la grille de prix de référence pour la valeur des bois est celle établie en mai 2017 à la vente de l’ONF. Ici, le peuplement ne subit aucune attaque de cervidé et croît normalement. Il est conduit en quatre éclaircies pour passer en coupe rase à quarante-deux ans.

Dans le deuxième cas, dit « itinéraire optimiste », le peuplement ne subit pas plus d’attaques que celles constatées à l’été 2017. Il continue de croître normalement jusqu’à sa coupe rase à quarante-deux ans. Seul le volume produit en première éclaircie est donc affecté. Enfin, le dernier cas est celui de « l’itinéraire pessimiste », où le peuplement continue de subir des attaques et où la densité est suffisamment impactée pour qu’une éclaircie disparaisse.

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Le constat fait à partir des mesures réalisées sur des essais montre que des peuplements fortement écorcés ont des croissances inférieures aux peuplements indemnes de dégâts. Ce retard de croissance peut occasionner un retard de cinq ans, soit une coupe rase qui interviendrait à quarante-sept ans. Il existe des cas plus critiques qui conduisent à des coupes rases anticipées, encore déplorables sur le plan économique.

Les résultats sont flagrants sur la base de l’Annuité Constante Équivalente, qui baisse de 10% selon le scénario optimiste et de 40 % selon le scénario pessimiste, mais bien réaliste. L’ACE correspond au revenu moyen lissé sur la durée de la rotation. Elle tient compte de tous les frais de travaux, gestion, et frais fixes, et des recettes à travers les ventes de bois. Pour tenir compte de la durée de la rotation, toutes les valeurs sont indexées au taux de 3 % annuel.

Un exemple de gestion de la chasse

Pour la deuxième partie de la réunion, le groupe a été accueilli par Philippe de Beaumont, gérant du Groupement Forestier de Maurin, à Lencouacq. Sur cette propriété, la chasse à l’approche et surtout la chasse à l’affût à partir de chaises hautes ou de miradors sont pratiquées depuis les années 1980. Ces modes de chasse sont jugés moins perturbants pour le gibier, peu effarouché, et qui reste donc plus facilement sur le même secteur.

Ils permettent aussi de pouvoir sélectionner plus facilement les animaux à abattre selon des critères qualitatifs, ce qui permet une meilleure gestion des populations. Sur cette propriété, le mode de chasse par battue a été mis de côté en raison de sa dangerosité et des piètres résultats concernant le nombre d’animaux abattus.

Des représentants des ACCA locales ont également fait part de leur difficulté actuelle à réaliser les plans de chasse de cerf, et notamment à respecter les critères qualitatifs imposés (proportions importantes de femelle par rapport au mâle). D’autre part, les règles de sécurité sur les battues s’étant durcies depuis quelques années, certaines zones riveraines des bourgs ou routes principales ne sont plus chassables avec les techniques traditionnelles.

La plus grosse inquiétude repose sur le fait que le nombre de chasseurs sur le secteur diminue d’année en année, et que les plans de chasse importants de cervidés obligent les chasseurs volontaires pour les battues (qui exigent une mobilisation importante) à sortir une à deux fois par semaine pour essayer de boucler le plan de chasse.