S’agit-il ou non d’un conte ? Si oui, c’est un conte à dormir debout. À moins que ce soit un dialogue entre deux personnages masqués. Mais alors, qui se cache derrière le sanglier et qui ne dit pas qu’il est le bouc ?
Il était une fois…
Il était une fois un sanglier qui vivait dans une forêt méditerranéenne proche de la ville, qu’il avait du fuir un jour où les flammes, qui léchaient déjà les villas mal débroussaillées de rupins urbains, l’en avaient chassé.
Arrivé sain et sauf, dans la garrigue miraculeusement épargnée, il se trouva au milieu d’une réunion de moutons qui devisaient sur le nombre idéal des oiseaux porteurs d’eau nécessaires en attendant que leurs bêlements incantatoires finissent par faire tomber la pluie.
Le plus âgé des moutons, prénommé Prométhée, comme le Titan qui fut puni, selon Diogène de Sinope, pour avoir dérobé le feu, parce qu’il était mollesse, sensualité, et source de plaisirs plutôt que de servir courage et justice (cf. wikipedia), lui expliqua que la solution était dans la DFCI (Défense des Forêts Contre les Incendies), dont le budget servait avant tout à protéger les personnes et les biens, budget considérable mais très insuffisant pour protéger les forêts, car ce n’était pas la priorité des soldats du feu.
L’homme est un danger pour la forêt
Dépité, notre sanglier allait quitter la réunion quand il croisa un bouc, représentant officiel de la protection de sa forêt méditerranéenne et un dialogue édifiant s’engagea.
Sanglier : Dis-moi, bouc, toi qui est voisin et en charge de la protection de ma forêt, pourquoi n’es-tu pas venu il y a peu à Vitrolles à la journée sur le thème des feux de forêts alors que le ministère parisien y a déplacé un caribou général pour exposer le contenu du rapport relatif à la DFCI du CGAAER ?
Bouc (avec son bel air) : nous ne sommes pas tout à fait d’accord avec le contenu de ce rapport, et il nous paraissait mal venu d’étaler nos divergences en public. Un exemple : ce rapport voudrait faire disparaître l’habitat illégal présent dans vos massifs.
Sanglier : Dois-je comprendre que vous êtes favorables au maintien, voire au développement, de ce genre d’habitat ?
Bouc (toujours bel air) : Si ces gens habitent ici, c’est qu’ils n’ont nulle part ailleurs où aller…c’est la faute au prix des terres. Où veux-tu qu’ils aillent ?
Sanglier : Si je comprends bien, à tes yeux et à ceux de tes chefs, défendre ma forêt contre des comportements illégaux est secondaire. L’important est de compenser les lacunes de notre société. Tant pis si les risques existent, ils sont acceptables.
Éteindre un mégot avec un canadair
Sanglier : Dis-moi Bouc, j’ai une autre question. Sais-tu que nombre de barrières à l’entrée des pistes DFCI sont dégradées et que souvent, voire toujours, il se passe parfois plus de 4 ans sans remise en état ?
Bouc : De toute façon, elles ne servent à rien.
Sanglier : Mais les forestiers, les espaces naturels, la faune et la flore souffrent des usages illégaux dont sont l’objet ces pistes.
Bouc : Il y a bien longtemps que nous avons compris que ces pistes ne permettent pas de lutter contre les incendies. D’ailleurs le nombre de leurs kilomètres diminue régulièrement. Quant aux feux, il font parfois des bonds de 800 m.
Sanglier : Elles facilitent surtout toutes les formes de pénétration et nul ne verbalise les contrevenants. J’ai même repéré et photographié (avec mon smartphone spécial sanglier) cette année encore des véhicules à moteur en hors piste au cœur de mon massif préféré lors de jours classés noirs alors que le dispositif de surveillance est supposé être à son maximum.
Bouc : Il est trop difficile d’intercepter les motos. Il faudrait simplement interdire leur vente.
Sanglier : Il m’est arrivé d’alerter la police rurale de la commune alors qu’un chantier de construction était en pleine activité un de ces jours noirs. Mais personne n’est intervenu.
Bouc : Plus personne ne veut verbaliser, les maires veulent seulement être réélus. Même , le préfet fait aussi de la politique. C’est ça la démocratie. Il n’y a rien à faire.
Sanglier : Autre chose, pourquoi ne ferme-t’on jamais les routes touristiques secondaires qui traversent les massifs lors des jours à très fort risque ?
Bouc : Et puis quoi encore ? Veux-tu aussi le couvre-feu nocturne pour empêcher les vols ? C’est impossible de fermer une départementale alors que le risque est si faible ! On peut à la rigueur interdire (sans le fermer) un chemin, mais jamais, jamais, jamais les routes du domaine public.
Sanglier : Pourtant de nombreux cols de montagne sont régulièrement fermés pour des raisons de sécurité.
Bouc : Ce n’est pas pareil. Une avalanche est un risque naturel, pas le feu qui est quasiment tout le temps lié aux hommes.
Sanglier : Justement, les empêcher d’entrer inutilement dans les massifs protègerait à la fois les hommes, les forêts, les sangliers et surtout les tortues.
Bouc : Il serait nécessaire de justifier d’un risque beaucoup plus important pour aller jusqu’à la fermeture d’une route.
Sanglier : Comment se fait-il alors que vous le fassiez pour des motifs récréatifs comme une course cycliste, une course automobile, un tournage de film… et que le risque incendie compte pour du beurre ?
Bouc : Il faut bien que les hommes puissent circuler. Les feux de forêt, ce n’est pas comme les accidents de la route, ça fait beaucoup, beaucoup moins de morts, Ce n’est pas une priorité.
Sanglier au bouc (bel air) : Ce n’est pas demain qu’entre-nous il y aura Entente
Morale
Les forestiers, la flore et la faune forestières sont seuls. Les forêts peuvent brûler.
Les autorités et services de protection et de défense devraient être nos boucs émissaires. Tant qu’ils estimeront que la situation actuelle est parfaitement acceptable.
Les tirelires subventionnent des dispositifs qu’ils estiment eux-mêmes grandement inutiles en occultant leurs effets secondaires.
Ils se targuent de jouer le rôle de défenseur des forêts mais ce sont finalement des traitres qui font allégeance a nos parasites.
Et alors, comment ?
Comment convaincre nos ministres de réorienter une partie des budgets de cette inutile et ignorante épave vers un concurrent dont la mission encore inédite serait vraiment de protéger les forêts contre l’imprudence et les illégalités ?
Comment leur expliquer, à eux, les décideurs, qu’en ces temps de difficultés budgétaires, il est possible d’éteindre un mégot sans avoir recours a des canadairs, des bulldozers et des convois de pompiers venus de toute la France…
Jean-Pierre Hueso
Administrateur de Fransylva 13