Quelques réflexions pour une analyse raisonnée des projets d’extension d’urbanisation proposés dans les PLU,
Gérard Gautier, président de Fransylva 13 (mai 2017)
La Loi SRU du 13 décembre 2000
Art. L. 121-1. Les schémas de cohérence territoriale, les plans locaux d’urbanisme et les cartes communales déterminent les conditions permettant d’assurer :
… 3o : Une utilisation économe et équilibrée des espaces naturels, urbains, périurbains et ruraux, la maîtrise des besoins de déplacement et de la circulation automobile, la préservation de la qualité de l’air, de l’eau, du sol et du sous-sol, des écosystèmes, des espaces verts, des milieux, sites et paysages naturels ou urbains,
La loi d’Orientation Forestière du 9 juillet 2001
Art. L1 : « La mise en valeur et la protection des forêts sont reconnues d’intérêt général. La politique forestière prend en compte les fonctions économique, environnementale et sociale des forêts et participe à l’aménagement du territoire, en vue d’un développement durable. Elle a pour objet d’assurer la gestion durable des forêts et de leurs ressources naturelles, de développer la qualification des emplois en vue de leur pérennisation, de renforcer la compétitivité de la filière de production forestière, de récolte et de valorisation du bois et des autres produits forestiers et de satisfaire les demandes sociales relatives à la forêt… »
Les nouvelles règles en 2016
- À partir de 2016 L’ouverture à l’urbanisation des espaces naturels est placé sous contrôle de l’État, d’où la CDPENAF (Commission Départementale de Préservation des Espaces Naturels, Agricoles et Forestiers)
- Élaborés par l’État en collaboration avec les Régions, les nouveaux schémas régionaux de cohérence écologique (SRCE ou Trame verte et bleue)) et les schémas régionaux climat, air et énergie (SRCRE) s’imposeront aux documents d’urbanisme.
- Les trames vertes et bleues prennent en considération les continuités écologiques, et l’espace forestier au travers de la biodiversité, elles s’imposent aux SRADDT, aux DTA, aux documents de planification locale (SCoT et PLU).
- Des évaluations environnementales sont obligatoirement intégrées aux rapports de présentation des SCoT et des PLU. Elles doivent alerter sur les précautions à prendre, les mesures compensatoires et de réduction d’impact à mettre en œuvre. De fait elles délimitent les marges de manœuvre des acteurs publics et privés de l’urbanisme au regard des perspectives de développement possible, entre les espaces urbanisés ou urbanisable et les espaces agricoles, forestiers ou naturels.
- Dans les zones soumises aux risques naturels, incendies en particulier, des PPRIF doivent être élaborés à l’initiative de l’État par des Experts. Ils seront approuvés par les Préfets, ils s’imposeront après enquête publique aux documents d’urbanisme. Il faudra s’attendre sur les franges urbaines existantes à des parties de bras de fer entre les Communes où domine l’économie résidentielle et les services de l’Etat chargés de l’application de ces documents.
Constats
La forêt méditerranéenne occupe une vaste superficie dans la région Provence-Alpes-Côte d’Azur (PACA) mais a perdu depuis plusieurs décennies une grande partie de sa vocation économique.
Plus généralement, dans les départements bordant la méditerranée, la ressource est principalement constituée du Pin d’Alep. Ce bois, considéré de faible valeur économique, a été inexploité par manque de débouché et d’une réelle gestion forestière.
Aujourd’hui la forêt redevient d’actualité, notamment grâce aux renforcements des exigences environnementales dans les documents d’aménagements qui favorisent la ressource bois et son utilisation dans la construction, l’énergie… mais aussi grâce à de grands projets, tels que Uniper ou Inova, qui vont consommer une grande quantité de bois régional.
Ces opportunités d’utilisation du bois énergie permettent aux forestiers d’espérer un retour à une véritable sylviculture qui puisse déboucher sur une utilisation en bois d’œuvre des essences indigènes dont le pin d’Alep notamment, sur les parties les plus littorales des départements méditerranéens.
L’exemple des Bouches-du-Rhône est à ce titre remarquable ou l’on constate que l’essentiel de nos forêts ont moins de 70 ans et pour un grand nombre ont été la victime des très grands feux des années 60. On se trouve donc en présence d’une forêt encore jeune (entre 40 et 60 ans) qui mérite que des travaux sylvicoles soient entrepris sans tarder afin de transformer ces pinèdes trop denses en futaies récoltables d’ici une vingtaine d’années. Le Bois énergie permet de valoriser les bois issus de ces travaux sylvicoles : dépressage et éclaircies.
C’est une chance pour notre forêt méditerranéenne et cette chance peut devenir un vecteur économique que l’on aurait tort de négliger (filière bois…), c’est la fonction de production que retrouveraient ainsi nos territoires, tout comme se retrouvent déjà les deux autres fonctions assignées à la forêt par la LOF de 2001, fonction environnementale (les emblématiques paysages de Provence) et fonction sociale qui sont deux piliers de l’activité touristique de notre région.
C’est la raison pour laquelle tout comme les espaces agricoles, la protection des espaces naturels et forestiers doit être une priorité : être économe de la consommation de ces espaces est l’un des enjeux du 21ème siècle.
Ces espaces naturels s’ils ne sont pas la propriété de tous les citoyens sont pour autant des territoires d’intérêt général comme le stipule les premiers mots de la LOF de 2001.
La loi SRU a donné aux maires le pouvoir de créer pour leur commune un PADD. Aujourd’hui, ce sont les intercommunalités et les métropoles qui ont cette compétence.
Le Plan d’Aménagement et de Développement Durable permet d’imaginer le projet pour le territoire de demain.
À ce titre, la forêt qui représente bien souvent plus de la majeure partie de la surface communale est un enjeu considérable et doit être considérée en tant que te !!!
Permettre la protection et la mise en valeur de ces espaces lors de l’aménagement du territoire est de la responsabilité de nos élus et certaines mesures devront leur permettre de considérer les enjeux de la forêt et de proposer des solutions en faveur de son développement (économique, environnemental /paysager et social),
Face à ces grands discours les « élus de base » doivent faire face à la demande d’extension et de développement de leurs territoires, comment sont-ils armés dans ces conditions pour assumer ces enjeux ?
Comment considérer l’extension et le développement des communes non pas comme en opposition à l’environnement mais comme une composante de la qualité environnementale ?
Aujourd’hui les espaces naturels sont et doivent être considérés comme une composante de l’aménagement du territoire.
Opposer développement économique/urbanistique et protection de l’environnement est une erreur, mais l’exercice consistant à les concilier est un exercice très compliqué.
Or, qui sont ceux qui accompagnent les élus dans cette démarche d’aménagement du territoire ?
Des urbanistes et des bureaux d’études spécialisés en aménagement. Ils savent très bien faire des analyses urbaines mais n’ont aucune connaissance sur les espaces naturels, agricoles et forestiers. C’est entre autre pour cette raison que ces espaces bénéficient tous ou presque d’un mono classement « N » ou « A » malgré la possibilité d’indexer.
De manière générale, la forêt et ses activités d’exploitation et autres (paysagères/environnementales, ludiques et sociales) ne sont pas prises en compte dans les projets d’aménagement, sauf à être considérées comme un ensemble uniforme dont seule la préservation à outrance est l’objectif final, sans aucune autre analyse ni considération.
En effet, elle est souvent perçue comme une contrainte alors qu’elle devrait être considérée comme une source économique, environnementale et un espace récréatif. Avec autant de diversités que les zones dites « U » du reste du territoire communal
Depuis peu ces urbanistes ou techniciens s’associent à des spécialistes de l’environnement mais ceux ci ont tendance à considérer les espaces naturels comme la carte postale du paysage, sans jamais prendre en compte l’entièreté de leurs dimensions : de production, environnementale et sociale…
La Forêt tout comme l’ensemble des espaces naturels n’est jamais prise en compte comme un espace de projet au même titre qu’une zone d’activités économique ou une zone résidentielle, c’est un peu moins vrai avec les zones agricoles.
Si l’on rapproche les deux lois SRU et LOF, la prise en compte des trois fonctions assignées à la forêt implique que soient repensées les notions de droit et d’affectation des sols.
Il n’est pas interdit aux élus de faire des propositions allant dans ce sens. L’accueil en forêt, s’il apparaît comme une composante du projet, ne peut se faire sans aménagements spécifiques, les chantiers forestiers aussi peu rentables soient ils dans notre région méritent que les infrastructures soient adaptées et que l’urbanisation ne vienne pas enclaver des zones boisées.
La qualité de certains sites nécessite que soient prises certaines dispositions en adéquation avec les fonctions de la forêt, sans pour autant devenir un obstacle à ces fonctions… L’exemple de l’EBC en étant la caricature… Car sous couvert de protection, la mise sous cloche a pour principal résultat de rendre plus fragile et vulnérable.
Rappelons ici que l’EBC a été créé pour les zones urbaines essentiellement.
Nous ne pouvons que féliciter une commune qui s’engage fortement dans le développement de ses espaces naturels, mais nous devons rappeler que protéger ce milieu naturel vivant qu’est la forêt, ce n’est pas le « mettre sous cloche ».
Pourquoi classe-t-on alors les espaces forestiers de manière homogène?
Ne pourrait-on imaginer d’avoir la même démarche que pour les analyses urbaines et identifier les points d’intérêts :
- ici un vallon susceptible d’être remis en culture pour des plantations cynégétiques faisant également office de coupure verte ;
- là un cabanon ou une ruine de qualité pouvant être réhabilité à l’exemple des chalets d’alpage de la loi Montagne ;
- ailleurs une dépression où il serait astucieux de créer un bassin collinaire favorable à la lutte contre les incendies mais aussi pour la faune sauvage.
- Enfin
Comment dans ces conditions aborder le passage en CDPENAF ?
Bien souvent le passage en CDPENAF se résume en un exercice « délicat », dans les meilleurs cas, voire grossier le plus souvent, afin de justifier par le calcul des surfaces d’extension urbaines et des surfaces récupérées en espace naturel avec l’espoir que le résultat soit zéro ou proche de zéro…
… tout en camouflant plus ou moins bien la réalité du terrain…
… et en se servant plus ou moins habilement de la notion de création d’emplois et de possibilité de loger ces nouveaux arrivants travaillant sur la commune… (cf. ci-dessus développement urbain).
Le calcul fait par les DDTM lors de l’analyse des PLU et PLUi est une comparaison entre les surfaces de zones « U » et des Zones « N » et « A » dites naturelles en vue de faire les comptes des surfaces artificialisées.
Hors dans le zonage « N » ont retrouve des affectations qui ne peuvent être considérées comme zone non artificialisées :toute une série d’indices accrochés au zonage « N » sans aucun justificatifs, sauf à ce que ce soit autorisé par le code de l’urbanisme.
Ainsi , nous voyons des PLU et PLUI dans lesquels le mot espace naturel est mis à toutes les sauces et décliné avec tous les indices possibles dédiant ces espaces naturels:
- aux carrières,
- aux cimetières,
- aux déchetteries et centre d’enfouissement,
- aux espaces de loisirs,
- aux fermes photovoltaïques,
- et à de l’habitat existant (anciennes zones « NB »)
Quelles questions devraient se poser lors de l’élaboration des révisions de PLU /PLUi et leur adaptation aux nouvelles dispositions règlementaires : suppression des surfaces minimum, suppression du Cos entre autres ?
Comment aborder et interpréter l’interface « ville-espaces naturels » ?
Après avoir envahi les meilleures terres agricoles en faisant le bonheur financier des agriculteurs, ou de leurs héritiers, les constructions ont grimpé dans nos collines pour faire le bonheur des forestiers et de leurs héritiers…
Et pourtant, nos anciens avaient toujours su conserver un espace entre les noyaux villageois et la forêt.
Ces terres agricoles qui protégeaient l’habitat villageois ont donc été soit urbanisées soit, après la déprise agricole, colonisées par la forêt. On assiste donc à un double phénomène du rapprochement de la forêt et de la ville, d’où un lien réel entre urbanisme et incendie.
Il faut retrouver la notion d’interface entre forêt et habitat.
Interface aujourd’hui souvent occupé par les anciennes zones « NB » auxquelles il faut :
- trouver un zonage adapté et juste au regard du droit de propriété de leurs occupants,
- donner à la forêt la place qui est la sienne dans les documents d’urbanisme, comme un enjeu de l’aménagement du territoire tant au niveau économique que paysager et social… et créer les emplois correspondants.
Quelles mesures d’anticipation pour constituer le foncier nécessaire à l’accroissement et au développement des territoires,
reconstruire la ville sur la ville ?
- Prendre en considération la forêt avec toutes ses composantes : économiques, sociales, ludiques patrimoniales et culturelles, en appréhendant les relations qui s’opèrent avec les espaces de proximité agricoles et urbains. Mettre en œuvre des plans de gestion.
Enfin considérer
- La transformation des anciennes zones « NB » en zones agricoles ne règle en rien la problématique du développement agricole (au niveau économique s’entend). Il en est de même si on les transforme en zone « N ».Comment engager l’évolution de ces zones sans léser leurs propriétaires mais sans bétonner ?
- Analyse au cas par cas de ces secteurs, sachant que le retour à un espace naturel « A » ou « N » est très difficile, sauf dans les anciennes zones à 10.000 m2 qui ne seraient pas construites (certainement très rares…) peut-on imaginer un regroupement (remembrement) de ces espaces pour en faire des territoires