La centrale biomasse Sylviana

Cet article, rédigé par Bernard Rérat, a été publié dans le numéro 608 (novembre 2017) de Forêts de France.

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La centrale biomasse Sylviana s’approvisionne  à 70 % en forêts privées

Dans le Var, l’entrée en service de la centrale biomasse Sylviana apporte un nouveau débouché aux propriétaires forestiers privés qui fournissent plus des deux tiers de ses besoins en bois. Ce projet structurant de territoire participe au renouveau espéré de la sylviculture provençale.

Une énergie propre pour 42 000 foyers

FdF 2017-608 p 20 SylvianaDepuis mars 2016, Sylviana tourne à plein régime. Cette centrale biomasse installée à Brignoles (Var) produit de l’électricité à partir de la combustion de bois. Elle fournit à EDF 21,5 MWh d’électricité. Cette puissance correspond à une production annuelle de 18600o MWh, capable de satisfaire la consommation de 42 000 foyers des environs. L’édification de ce site industriel emblématique du 3ème millénaire —car soucieux de produire une énergie non polluante à partir d’une matière première renouvelable—, résulte de l’appel d’offres biomasse CRE4. La centrale procède de la création d’IVB (Inova Var Biomasse), une société détenue à 65 % par le groupe français Altawest et à 35 % par la Caisse des dépôts et consignations.

78 % de bois forestier

« Notre plan d’approvisionnement montre qu’un potentiel de biomasse non exploité existe dans la proximité de la centrale.» Didier Savanier, le directeur de Sylviana, observe cependant que dans une région peuplée de néo-ruraux envisageant la forêt uniquement sous l’angle récréatif ou de protection, l’idée qu’une forêt non exploitée périclite n’est pas facile à défendre. Face à la vision dogmatique de certaines associations, un gros travail pédagogique doit être entrepris afin d’expliquer les bienfaits d’une forêt exploitée durablement.

Heureusement, certains ont compris les avantages de ce projet innovant. « Des forestiers et des décideurs politiques locaux nous ont dit: “ Venez! Vous allez contribuer à entretenir les forêts, à lutter contre les incendies, à créer de l’emploi. ” » Le site de Brignoles a été choisi car il se place au cœur du massif forestier varois, d’où un rayon d’approvisionnement réduit (maximum l00 km), cohérent avec l’objectif de réduction des gaz à effet de serre.

Pour fonctionner, la centrale a besoin de 180 000 tonnes de bois annuellement, dont 78% proviennent de forêts, le reliquat étant constitué de déchets de classe A (broyats de palette propres, bois d’élagage, déchets verts ligneux…). D’après le dirigeant de Sylviana, il s’agit principalement d’une ressource jusqu’ici non mobilisée et non utilisable en sciage n’entraînant pas de conflit d’usage avec les industriels déjà en place (principalement l’usine de pâte à papier Fibre Excellence de Tarascon).

FdF 2017-608 p 21 SylvianaNouer des relations de confiance avec les propriétaires

Pour son approvisionnement, Sylviana a mis en place une sorte de contrat de confiance avec les détenteurs de la ressource. « Nous avons créé une équipe de quatre prospecteurs-mobilisateurs pour nous rapprocher des propriétaires forestiers privés qui constituent plus de 70 % de nos fournisseurs. » Les bois sont achetés sur pied et à l’unité de produit sur la base d’une réception à la bascule de l’usine.

Des entreprises prestataires de services rémunérées par Sylvania exécutent les coupes dont la qualité de travail est contrôlée selon les règles d’exploitation figurant dans le cahier des charges de PEFC. « D’ailleurs, nous incitons nos prestataires à s’engager dans la démarche PEFC. »

Didier Savanier veut développer ce système qui représente actuellement 30 % de ses achats bois, car il rassure les propriétaires forestiers sur la garantie d’un travail de qualité, mais aussi sur les volumes réellement prélevés et sur le paiement effectif des transactions.

Pour le reste des approvisionnements, un contrat pluriannuel a été passé avec l’ONF sur une quantité de 25 000 tonnes de bois rendu usine. La Coopérative Provence Forêt participe également aux livraisons le bois ainsi qu’une cinquantaine d’exploitants forestiers régionaux. « Nous voulons nouer des relations de long terme avec les détenteurs de la ressource afin de disposer régulièrement de bois pendant au moins !a durée de vingt ans qui nous lie à EDF », soutient le directeur de Sylviana.

Bernard Rérat, Journaliste, Wood & Forest Agency

 Sylviana en bref

ENCADRÉ

Sylviana, un projet de territoire structurant et durable pour le Var

Sylviana trouve son origine dans l’appel d’offres public biomasse dit CRE4 de 2010. À l’issue de celui-ci, ce projet a été sélectionné parmi 14 autres dont celui d’Uniper à Gardanne (Bouches-du-Rhône). L’objectif de l’État est de développer des bouquets énergétiques faiblement émetteurs de carbone afin de réduire les émissions de gaz à effet de serre des centrales conventionnelles produisant de l’électricité dans l’Hexagone. Disponible et renouvelable à souhait sur notre territoire, la biomasse forestière constitue le combustible de base de ces projets industriels emblématiques du 3ème millénaire.

Dans une des régions les plus vertes de France —48% de taux de boisement en Paca—, et jusqu’à l’édification récente des deux centrales Sylviana et Uniper, la forêt souffrait d’un manque cruel de débouchés. En conséquence, la forêt provençale n’était plus exploitée. « Seulement 22% de l’accroissement naturel régional sont prélevés annuellement alors que le patrimoine boisé de Pace s’accroît de 10 600 hectares chaque année », indique l’Observatoire régional de la forêt méditerranéenne.

FdF 2017-608 p 22 SylvianaDe fait, les traditions sylvicoles provençales se sont diluées dans le maquis et le foisonnement des accrus naturels croissant sans retenue. Au cours des cinquante dernières années, toute une filière forêt-bois s’est délitée, tout un microcosme de ruraux-forestiers a disparu des pinèdes et des taillis provençaux. Dans ces conditions où l’homme a laissé libre cours au développement de la biomasse ligneuse, les flammes ont trouvé un combustible de choix et les incendies se sont propagés.

La demande en matière émanant des deux nouvelles centrales et la valorisation financière du bois banal jusqu’ici négligé offrent une nouvelle perspective aux propriétaires forestiers. Ceux-ci vont donc pouvoir renouer avec la sylviculture, améliorer la qualité des peuplements, fournir du bois énergie à des projets d’intérêts généraux et enrayer la menace des feux en diminuant la biomasse disponible.

La création de Sylviana et d’Uniper va aussi permettre d’améliorer la fourniture d’électricité en Paca. Cette « péninsule électrique » ne produit que 30% de son électricité alors que les besoins ne cessent de progresser en raison d’une démographie galopante. « De plus », remarque Didier Savanier, « Paca se situe en bout de ligne de distribution avec tous les inconvénients que cela suppose en terme d’incidents potentiels. Notre projet arrive au moment où RTE, filiale d’EDF, met en place le maillage de Paca de sorte à désenclaver ce territoire en aménageant un filet de sécurité au service des usagers d’EDF

La centrale Sylviana a déjà un impact non négligeable sur le paysage économique varois. À fin 2017, le site industriel emploie 32 salariés à Brignoles. Au total, en comptabilisant les exploitants forestiers, les transporteurs et divers autres intervenants, ce sont près de 200 emplois qui, directement ou indirectement, auront été créés grâce à Sylviana. Les résultats déjà probants de ce projet montrent que le bois énergie, appréhendé dans une logique de développement durable respectueuse de tous les acteurs en place, possède toutes les cartes en main pour devenir une filière d’avenir.