Pour produire du bois
À la fin de son livre, Peter Wohlleben écrit que la futaie jardinée est le seul mode de gestion valable en forêt. En France, les praticiens reconnaissent une communauté d’idées avec le livre, mais ils regrettent le déni de l’auteur autour de la fonction économique de la forêt.
L’importance du sol
Évrard de Turckheim, président de ProSylva France, a apprécié ce livre de Peter Wohlleben et il en recommande la lecture. « Tout ce qu’il explique sur la vie souterraine, les contacts entre les espèces via les champignons, ces échanges de nutriments, cette communication invisible, je trouve cela absolument extraordinaire. Ce livre a confirmé ce que je pressentais déjà sur l’importance du sol. Il a cent fois raison en mettant l’accent là dessus. Nous sommes en train de découvrir cette importance et cela dépasse largement la forêt. » L’expert forestier met toutefois un bémol sur sa façon d’humaniser la nature et sur son refus de l’exploitation forestière moderne. « J’ai participé à un débat après la projection du film à Strasbourg et des gens m’ont demandé: ” Faut-il continuer à consommer du bois? Ma maison est en bois et je brûle du bois, je suis donc dans le faux? ” Dans le film, il est dit qu’il faudrait créer des sanctuaires et ne plus couper d’arbres. En tant que forestier, sylviculteur et homme du XXIéme siècle, je ne peux pas l’accepter. Mais tout à fait d’accord pour créer du développement durable, de l’harmonie avec la nature. Entre ne rien faire et faire n’importe quoi, il faut trouver le juste milieu : accompagner la nature sans la contraindre, ce que nous essayons de faire au sein de ProSylva. »
Mélange d’essences et de diamètres
À la fin du livre, Peter Wohlleben reconnaît que la futaie jardinée est un mode de gestion proche de ses idées car respectueux de la nature. Roland Susse, expert forestier en Bourgogne qui pratique ces techniques depuis trente ans, ne peut donner tort au forestier allemand. « Nous pensons comme lui que l’arbre n’est pas un objet matériel inerte, c’est un être vivant. On peut contester sa vision angélique des choses, mais il y a une certaine convergence avec ses idées. On nous a traités à l’époque d’écolos car nous sortions du cadre enseigné à l’école forestière. La futaie jardinée n’était tolérée que dans une partie du Jura. Aujourd’hui, la sylviculture proche de la nature tire parti de ce qui existe. Cela a un côté pragmatique: nous prenons un peuplement tel qu’il est et nous l’amenons vers l’équilibre par un mélange d’essences et de diamètres. Quand une tempête fait tomber un gros bois, cela repart en dessous, et c’est un peu ce que nous faisons : nous relançons le renouvellement en récoltant l’arbre pour l’utilisation humaine. »
Ce livre fait donc selon lui œuvre utile en parlant au public dans un langage qu’il comprend, « ce que nous n’avons pas su faire il y a vingt, trente ans, nos mots étaient trop techniques ». En revanche, Roland Susse ne partage pas « sa vision béate de la forêt » et le fait «qu’il occulte complètement les usages du bois et leur importance dans la société humaine ». « Il existe une interaction forte entre la forêt et les hommes; les hommes ont besoin de la forêt non seulement pour s’y promener mais aussi pour faire vivre leur société. »
Pascal Charoy
Article publié dans Forêts de France n°609 de décembre 2017 (page 31).
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