Cet article, rédigé par Emmanuelle Degoy, est extrait du Dossier Bois-Énergie publié dans le numéro 607 (octobre 2017) de Forêts de France.
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UNE DYNAMIQUE POUR LE DÉVELOPPEMENT TERRITORIAL
Le développement du bois énergie permet la création d’emplois locaux, la diversification des activités territoriales et le développement de revenus complémentaires. Bref, en participant à l’entretien et à l’impulsion d’une dynamique raisonnée de la gestion des forêts, la production de bois énergie favorise un développement économique local.
Un gisement d’emplois
La sylviculture, les travaux forestiers et la fabrication du combustible proposé par la filière amont, ainsi que les équipements et services (ventes de chaudières, entretien) proposés par la filière aval sont autant d’activités créatrices de valeur et de maintien d’emplois de proximité non délocalisables.
Rappelons que 1 000 m³ de bois mobilisé correspondent à un emploi de proximité. La filière bois énergie en France emploie l’équivalent d’environ 10 000 emplois directs, dont près de 60 % s’occupent de la production de la ressource bois. Avec les emplois indirects (génie civil, équipementiers…), ce sont plus de 22 000 personnes qui travaillent dans la filière. Ainsi 2,7 ETP (équivalent temps plein) sont nécessaires à la production d’un millier de TEP (tonne d’équivalent pétrole) pour l’approvisionnement et la conduite des chaufferies ainsi que pour la mobilisation de la ressource en bois et sa transformation en combustibles.
Un cours stable
Les prix des combustibles bois dépendent de marchés régionaux et connaissent, le plus souvent, des évolutions de faible amplitude, progressives et sans à-coups, contrairement aux prix des énergies fossiles qui sont soumis au contexte géopolitique international et peuvent varier dans des proportions importantes, brutalement et de manière erratique. « Si de manière conjoncturelle, la concurrence du pétrole et du gaz s’est accentuée ces derniers mois, la force du bois énergie réside dans la stabilité de ses cours qui ne dépendent pas du prix du bois d’œuvre. C’est une sécurité pour les industriels », estime Bruno de Monclin, président du CIBE. En termes de chiffre d’affaires, « la filière bois énergie équivaut à 180 millions d’€, en se basant sur un cours moyen de 70 € la tonne ».
Mobiliser plus de bois énergie passe-t-il nécessairement par une hausse du prix de vente ?
« Non », répond Bruno de Monclin. « Sur les petites parcelles, même le bois d’œuvre n’est pas exploité. Il faudrait vraiment une hausse considérable pour qu’il y ait un choc. Le bois sortira plus par la responsabilisation et la formation que par la pression fiscale ou la hausse des cours ».
Il y a cependant un minimum de valorisation à attendre. « En deçà de 10 € la tonne à la vente, les propriétaires ne s’y retrouvent pas », constate Mathieu Fleury, directeur du développement de l’association Biomasse Normandie. « Passer à 12 € ne va clairement pas perturber la filière mais peut effectivement permettre de mobiliser des m3 supplémentaires dans certaines régions. »
Rapprocher les acteurs
La mise en place d’un projet bois énergie favorise les interactions entre acteurs (résidents, élus, producteurs de bois, entreprises…) et contribue à créer une dynamique territoriale. Ainsi, le bois énergie contribue à rapprocher des acteurs d’horizons très différents. En effet, pour parvenir à un développement de filière harmonieux, il est important que les énergéticiens s’appuient sur le territoire et qu’ils tissent des relations durables avec les détenteurs de la ressource.
Énergie industrielle et collective : le bois énergie gagne du terrain
Historiquement, le bois est consommé comme combustible dans les industries dont il constitue également la matière première, comme les papeteries, les usines de panneaux, les scieries…
Depuis quelques années, son utilisation se répand dans l’industrie pour la production de chaleur seule ou combinée à celle de l’électricité. On observe ainsi entre 2011 et 2013 une augmentation de 70 % des consommations de bois dans les industries hors papier/bois, liée à la mise en service d’installations dans les secteurs de la chimie, de l’agroalimentaire et des matériaux.
Différents systèmes incitatifs ont donné des résultats variés. Les appels d’offre de la CRE3 depuis 2004 ont dans un premier temps permis d’aider le secteur des grosses installations, principalement papetières. « Peu à peu, on assiste à une réduction de la puissance des projets éligibles en faveur de projets de réseau de chaleur à taille humaine qui essaiment en région », constate Mathieu Fleury. « Cela ouvre des perspectives pour les scieries, les chaufferies à vapeur dans l’agroalimentaire et les réseaux de chaleur. »
L’installation d’équipements collectifs quant à elle est soutenue par une TVA réduite et le mécanisme financier du Fonds chaleur depuis 2009 —notamment via les appels à projets BCIAT— qui abonde les frais d’investissement, mais dont l’envergure reste limitée en raison des seuils. « Il faudrait mettre plus d’argent pour concurrencer une solution gaz ou pétrole », insiste Bruno de Monclin.
Des réflexions sont également en cours pour permettre une rémunération des services rendus par la forêt. Un exemple de paiement pour service environnemental est donné dans le golfe de Saint-Tropez : le Syndicat des Eaux a participé à hauteur de 50 000 € au financement des travaux d’entretien des forêts afin de limiter les risques d’incendie qui altèrent considérablement la qualité de l’eau.
« Depuis 2014, les industriels ont freiné le recours à cette ressource durable en raison de la baisse des cours du pétrole. Pourtant, ils ont tout intérêt à s’équiper, cela leur permet de renforcer leur image verte tout en bénéficiant des aides gouvernementales », constate Bruno de Monclin. Une baisse d’engouement d’autant plus sensible que la réorganisation territoriale démobilise les élus sur de nouveaux projets de territoire. « Néanmoins, je reste confiant sur le développement à moyen terme car les politiques publiques sont là », tempère Mathieu Fleury. « Les collectivités ont elles un raisonnement à plus long terme et soutiennent le marché de la plaquette », conclut le président du CIBE.
Le levier carbone
Si l’évolution des prix des énergies fossiles est difficilement prévisible, il semble a contrario fortement probable que la tarification du carbone, recommandée par un nombre croissant d’acteurs politiques et économiques, amène les industriels à réaliser des investissements réduisant leurs émissions de gaz à effet de serre.
Ainsi, la meilleure visibilité en matière de compétitivité du bois énergie viendra de la prise en compte de l’augmentation du coût des énergies fossiles, consécutive à celle du prix du carbone dans les années à venir, et de l’intérêt à mettre en œuvre des installations biomasse dès à présent. « En la matière, la contribution climat énergie (CCE) est une incitation dont on ne parle pas assez », ajoute le président du CIBE, « une taxe qui porte sur toutes les énergies fossiles à l’exception du propane. Une manière détournée de rediriger les industriels vers le bois énergie plus compétitif. »
Conclusions ?
Mathieu Fleury : « Les propriétaires doivent penser ce débouché comme pérenne : les infrastructures sont là, la consommation est stable et nous allons sur de nouveaux projets. Les matériels et les hommes doivent se professionnaliser, se former, des investissements sont à envisager mais seront rentabilisés demain, pensons aux voies de desserte. Il y a de quoi valoriser le patrimoine des propriétaires; les sylviculteurs seront de plus en plus sollicités, notamment pour les marchés d’avenir via la recherche. En ce moment, les perspectives sont moins nettes mais il faut penser, comme toujours dans la filière, sur le long terme. »
Emmanuelle Degoy
INITIATIVE
Il y a cinq ans, la coopérative forestière UNISYLVA a décidé de s’investir dans la mise en place d’une activité bois énergie. Gilles de Boncourt, directeur général, nous en présente les raisons.
Quel regard portez-vous sur ce débouché?
Le bois énergie a acquis chez UNISYLVA une dimension stratégique. En 2012, le conseil d’administration a redéfini notre développement en renforçant l’ensemble des produits bois énergie, dans le but de proposer un service complémentaire à nos adhérents et d’obtenir une meilleure valorisation de leurs parcelles. Nous sommes partenaires notamment de Biosylva, la plus grande usine de fabrication de granulés française, pour laquelle nous fournissons une grande partie de la ressource ligneuse.
Quel intérêt pour vos adhérents?
Renforcer le débouché énergie permet de relancer des travaux que nous n’aurions pas envisagés autrement chez nos adhérents. Le bénéfice principal n’est pas tant le complément de revenus que l’économie sur le nettoyage des parcelles. Dans le cadre de Biosylva, nous éclaircissons près de 1 500 ha de taillis chaque année, c’est une condition nécessaire pour régénérer les chênaies ou améliorer leur croissance. Enfin, le prix de vente du bois à destination des chaufferies industrielles est bien plus élevé que le bois de trituration, c’est encore une manière d’augmenter les revenus forestiers.
Un revenu faible mais assuré en somme?
Un revenu assuré dans la mesure où la demande est réelle. Mais le propriétaire ne doit pas perdre de vue que nous sommes tributaires de la météo: c’est elle qui conditionne nos interventions, les délais de stockage, nonobstant notre volonté !