L’équilibre, priorité absolue en Grand est

Cette page est extraite du dossier Grands ongulés, la forêt sous pression publiée dans le n°615 (juillet/août 2018) de Forêts de France

Une carte et une boîte à outils

 Dans la région Grand Est, les interprofessions ont posé un préalable à l’élaboration du programme régional forêt-bois : la prise en considération des dégâts que commettent les grands cervidés dans les territoires forestiers. Patrice Bonhomme, président de Fransylva Grand Est, dresse le bilan de dix-huit mois de travaux du comité régional sylvo-cynégétique.

Ce comité a été mis en place très tôt dans votre région, en novembre 2016, FdF-2018-615-Cervidés-p29pourquoi ?

En septembre 2016, lorsque l’État a souhaité lancer l’élaboration du programme régional forêt-bois, nos interprofessions ont porté un message clair : la région Grand Est est confrontée à un important déséquilibre lié à la présence de la grande faune en forêt, et nous souhaitions que ce problème soit pris en considération avant le début des travaux. C’est pourquoi le comité paritaire sylvo-cynégétique a été mis en place dès novembre. Forestiers et chasseurs travaillent sur le sujet depuis dix-huit mois.

Votre stratégie est en place aujourd’hui ?

En effet, les choses ont bien avancé. Lors de la dernière réunion, le 28 mai, nous avons validé un certain nombre de documents, à commencer par une carte de zonage des secteurs en déséquilibre. Nous avons utilisé deux couleurs : en rouge, les zones à enjeu, là où doivent être mis en place des moyens d’action importants ; et, en orange, les zones à surveiller afin que la situation ne s’aggrave pas.

Dans la région Grand Est, la question du déséquilibre se pose presque partout. Les discussions ont été difficiles avec les chasseurs, mais nous avons pu parvenir à un consensus. La DRAAF a parfaitement joué son rôle d’arbitre.

La carte est évolutive et sera révisée dans trois ans. Le comité ne peut malheureusement imposer sa stratégie…

En effet, nous proposons une « boîte à outils », une série de mesures à mettre en œuvre dans les zones rouges pour restaurer l’équilibre. Les plans de chasse sont décidés par les préfets dans chaque département. Le niveau régional ne peut donc décider à la place des départements. Le comité propose pour ceux qui sont sur le terrain un certain nombre d’actions permettant de travailler sur l’équilibre, et nos propositions sont plutôt bien perçues par les commissions départementales de la chasse. Ces outils doivent d’abord concourir à réduire les populations et nous proposons des mesures sylvicoles destinées à améliorer l’accueil du gibier, avec une condition  : ces aménagements ne pourront être mis en place que dans une situation de retour à l’équilibre.

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Disposez-vous d’outils innovants ?

Pas à proprement parler, mais la nouveauté est que toute action est décidée en partenariat et en concertation. Nous ne mettrons pas en place des mesures cynégétiques et sylvicoles alors que chacun resterait dans son coin, mais nous le ferons tous ensemble. Nous devons échanger et c’est un des principes qui est mis en avant dans le programme d’actions du comité paritaire. Nous mettons l’accent sur le recueil et l’échange de données, et l’importance des indicateurs de changement écologique. Les fédérations de chasse croient beaucoup dans ces outils et les utilisent. Sur la quasi-totalité des zones rouges, des ICE fonctionnent et les forestiers participent aux relevés de consommation.

Le moyen de rétablir l’équilibre reste le plan de chasse, mais dans votre région, les chasseurs réalisent à peine 60 % des attributions. Pourquoi ?

J’y vois deux raisons : dans certains secteurs, les attributions sont peut-être trop fortes par rapport à la capacité de réalisation, et les chasseurs n’aiment pas tirer les biches et les faons. Les cerfs coiffés, eux, sont réalisés à 80 %. Nous travaillons auprès des fédérations pour qu’elles évoluent vers des prélèvements équilibrés.

Propos recueillis par Pascal Charoy