Petites parcelles : les outils existants, les nouveaux et des idées

Article publié dans de Forêts de France n°610 (janvier/février 2018). Pour en savoir plus sur Forêts de France et/ou vous abonner : cliquez ici

Les biens vacants et sans maître

FdF 2018-610 Petites parcelles p22 Depuis 2014, les communes ont la possibilité de prendre en main l’avenir des petites parcelles boisées dont on ne connaît plus les propriétaires, faute de mise à jour du cadastre. Dès lors que la taxe foncière n’est plus payée depuis 3 ans, l’État peut alerter les communes sur le fait que ces parcelles sont présumées vacantes et sans maître. « La commune procède alors à un affichage pendant 6 mois, précise Dominique Jarlier, président de la Fédération nationale des communes forestières. A l’issue, si personne ne s’est manifesté, ces parcelles entrent dans le domaine privé de la commune. Avant qu’elles ne soient définitivement soumises au régime forestier, nous avons 5 ans pour procéder à un réaménagement foncier, éventuellement avec les propriétaires privés qui seraient intéressés. C’est une procédure très longue qui nécessite des moyens, notamment en matière d’animation ». Christophe Gourgues reconnaît que les communes ont avec ce dispositif l’opportunité de constituer des réserves foncières et d’en organiser la redistribution avec cohérence. Mais le notaire déplore que « l’État ne s’empare pas du dossier ».

Recouvrer la taxe foncière

En théorie, tous les propriétaires doivent payer la taxe foncière. Mais dès lors que son montant est inférieur à 12 euros, l’État ne fait pas l’effort de rechercher les mauvais payeurs. Cela coûterait trop cher car le cadastre n’est pas à jour. Dans la pratique, les propriétaires de petites parcelles peuvent donc ne pas payer l’impôt, ils ne seront pas inquiétés. Philippe Gourmain, président des Experts forestiers de France, plaide pour un impôt payé par tous. « L’impôt donne un sentiment de propriété. Quand une parcelle ne coûte rien, elle n’existe pas. Ce n’est pas une grosse somme mais symboliquement, c’est très fort. Si vous payez tous les ans quelques euros pour une parcelle à l’autre bout de la France, vous vous dites qu’il n’est pas utile de transmettre cette mini-charge à vos enfants. Nous, les gestionnaires de l’amont, regrettons que Bercy ait rejeté cette mesure pour des raisons de faisabilité ».

Intégrer la forêt aux documents d’urbanisme

FdF 2018-610 Petites parcelles p23C’est le souhait de Luc Bouvarel, le directeur général de Fransylva. « A quel moment parle-t-on du foncier dans la vie des territoires ruraux ? Dans le cadre des documents d’urbanisme, or les schémas régionaux qui sont en train de se mettre en place vont obliger toutes les communes à revoir leurs documents d’urbanisme qui s’appuient sur le parcellaire cadastral. Aujourd’hui, la forêt est la grande absente de ces documents. Nous devons nous battre pour intégrer dans cette refonte un chapitre forestier et inciter les communes à mettre en place des stratégies de développement forestier. Il faut que les élus se posent la question de la place et de l’avenir de la forêt sur leur territoire. Et nous en profiterons pour résoudre la question de l’accès aux massifs. J’ai vu des communes construire des lotissements sur la seule voirie communale permettant l’évacuation du bois ».

Décharger les notaires du droit de préférence

Le droit de préférence donne du travail supplémentaire aux notaires qui aimeraient bien être déchargés de cette mission. Jean Lioussou, notaire à Paris, suggère la mise en place d’un guichet unique « qui pourrait être la Direction départementale des territoires. Ce guichet serait chargé de purger les droits de préférence et de préemption ; faute de réponse dans les quatre mois, le notaire passerait la vente, les transactions en seraient accélérées ». Le notaire, mais aussi d’autres intervenants, suggèrent la mise en place d’un opérateur foncier qui pourrait gérer le remembrement passif des petites parcelles sur un territoire donné. « Il lui faudrait du temps, des moyens et du pouvoir » précise Jean Lioussou. « Prenons le temps de travailler sur l’idée d’un opérateur foncier qui organiserait la rencontre entre les candidats à l’achat de surface forestière et les propriétaires de petites parcelles en déshérence » abonde Jean-Yves Henry. Quel pourrait être cet opérateur ? Un seul intervenant s’est exprimé sur le sujet, Philippe Gourmain, pour qui « cet opérateur ne peut en aucun cas être la SAFER ». Les experts, et ils ne sont probablement pas les seuls, ne souhaitent pas que l’opérateur foncier agricole intervienne en forêt. « La SAFER déclare qu’elle n’utilise pas son droit de préemption en forêt mais elle utilise la menace du droit, ce qui revient au même ».

Les groupements d’intérêt économiques et environnementaux forestiers

Créé en 2014, ce label est destiné à réunir dans un plan simple de gestion concertée des propriétaires, petits et gros, sur un périmètre donné. A ce jour, 5 GIEEF ont été créés, en Ardèche, Lozère, dans le Vaucluse et les Pays-de-Loire, pour un total de 4 227 ha. Ils sont adossés à des associations syndicales libres qui leur fournissent une structure juridique. Les intervenant insistent sur la nécessité de développer ces GIEEF autour d’un noyau solide, une propriété de plusieurs centaines d’hectares, qui va impulser la gestion et attirer autour de lui les petits propriétaires. « Le GIEEF n’a pas obligatoirement une continuité territoriale, souligne Luc Bouvarel, il peut être réalisé sur plusieurs communes. Il ne faut pas opposer gestion et foncier, la première peut entraîner l’autre, et vice versa. Sur le terrain, on constate que les trous se bouchent. On voit apparaître des travaux, des bûcherons là où il n’y en avait pas ».

Les groupements forestiers d’investissement

Les groupements forestiers d’investissement dont la création a été confirmée en octobre 2017 auront, selon Jean-Yves Henry, un effet bénéfique sur le morcellement forestier. « Les GF ne parviennent pas à attirer les investisseurs car il génère des incertitudes juridiques. Nous disposons avec les GFI d’un outil en mesure de séduire les investisseurs qui s’intéressent à la forêt, veulent y consacrer des sommes moyennes, de 10 000 à 150 000 €, et ne souhaitent pas s’impliquer dans la gestion du bien. Ils veulent investir en forêt avec des gens dont c’est le métier et dans un encadrement sécurisé. Les investisseurs qui feront le choix d’un GFI n’iront donc pas alimenter le morcellement forestier ». Face aux inquiétudes exprimées dans la salle, Jean-Yves Henri estime que ce dispositif n’augmentera pas artificiellement le prix des forêts : « Pour servir des dividendes aux porteurs de part, les gestionnaires devront soit augmenter le prix du bois, ce dont nous ne prenons pas le chemin, soit ne pas payer excessivement le prix du foncier ».