« Dura lex sed lex »
« La loi est dure, mais c’est la loi » et il vaut mieux en connaître les contraintes, même si elles nous paraissent excessives plutôt que de se voir un jour sanctionné alors qu’on se croit de bonne foi parfaitement en règle.
Vendre du bois ou faire exécuter des travaux forestiers n’est pas aussi simple que de faire appel à un plombier ou à un électricien. L’Administration et les organismes de protection sociale (MSA ou Urssaf) ont mis les bouchées doubles pour traquer le travail dissimulé qui se cache au fond des bois mais qui se détecte à distance grâce à l’intensité en décibels des tronçonneuses.
Faire appel directement à un prestataire de service n’est pas aussi simple qu’on l’imagine. En effet, il ne faut pas tomber dans l’illégalité telle que le « prêt de main d’œuvre » que seules les sociétés d’intérim ont le droit de pratiquer, auquel cas votre contrat serait requalifié en « contrat de travail » employeur-salarié. Le contrat doit clairement préciser la mission, la description des travaux à effectuer, la rémunération des tâches (et non un tarif horaire), la liste des salariés du prestataire en rappelant qu’ils sont sous l’autorité du prestataire et non sous un lien de subordination avec vous-même.
Afin de lutter contre le travail dissimulé, le code du travail pose le principe que toute personne qui conclut un contrat d’un montant au moins égal à 3 000 euros en vue de l’exécution d’un travail, de la fourniture d’une prestation de services ou de l’accomplissement d’un acte de commerce doit vérifier, lors de la conclusion de ce contrat et tous les six mois jusqu’à la fin de l’exécution du contrat, que son prestataire s’acquitte bien de diverses obligations.
Article L 722-23 du Code rural et de la pêche maritime : « Toute personne occupée, moyennant rémunération, dans les exploitations ou entreprises de travaux forestiers définis à l’article L 722-3, est présumée bénéficier d’un contrat de travail. Cette présomption est levée si l’intéressé satisfait à des conditions de capacité ou d’expérience professionnelle et d’autonomie de fonctionnement, fixées par décret. »
Cette présomption s’applique aussi en cas de rémunération en nature (vous faites couper des arbres par un voisin et vous le rémunérez avec une partie du bois coupé). En cas d’accident sur votre propriété, vous serez considéré comme son employeur. Si vous n’avez pas rempli les obligations pesant sur les employeurs de main-d’œuvre et notamment payé les cotisations sociales, vous pouvez même être jugé pour délit de travail clandestin.
Pour être dans les règles il n’y a que trois solutions (sauf à faire les travaux soi-même) :
- Employer des salariés en respectant toutes les règles du droit du travail en ayant conscience des contraintes de plus en plus lourdes qui pèsent sur un employeur individuel mal armé pour les connaître et les respecter.
- Faire appel à un entrepreneur de travaux forestiers en s’assurant que la présomption de salariat est levée.
- Ou, pour des travaux de coupe uniquement, vendre son bois sur pied à un exploitant forestier ou à un particulier avec un contrat écrit précisant que la vente s’effectue sur pied et donnant un prix de vente. Il y a alors transfert de propriété et l’acheteur du bois effectue alors les travaux sous sa propre responsabilité. Il est cependant nécessaire que le contrat soit effectif (il faut une trace du paiement). Si l’acheteur est un particulier, le contrat doit préciser que l’acheteur ne destine le bois qu’à une utilisation personnelle (et non pour être revendu à des tiers) mais si l’acheteur est un professionnel, vous devez, là aussi lui demander de montrer patte blanche.
Fondements juridiques
La levée de présomption de salariat est soumise à des conditions de capacité ou d’expérience professionnelle et d’autonomie de fonctionnement. Le décret n° 2013-528 du 20 juin 2013 a remplacé l’avis qui était jusqu’à présent émis par une commission consultative régionale par l’avis du Directeur régional de l’alimentation, de l’agriculture et de la forêt (DRAAF) sur les dossiers des candidats à l’installation comme entrepreneurs de travaux forestiers (ETF). A l’issue de la procédure d’examen, la caisse de MSA prononce l’assujettissement de l’intéressé au régime de protection sociale des non salariés agricoles en qualité d’ETF. Sont également soumises à la levée de présomption de salariat les personnes qui n’atteignent pas le seuil de 1.200 heures d’activité annuelle nécessaire pour être assujetties mais qui sont néanmoins redevables de la cotisation de solidarité.
Les conditions sont réputées remplies par les exploitants agricoles exerçant à titre accessoire des travaux forestiers dans les forêts d’autrui.
Les exploitants forestiers négociants en bois ne relèvent pas du régime agricole mais sont concernés par la levée de présomption de salariat s’ils effectuent des travaux forestiers pour le compte de tiers.
La caisse de MSA remet chaque année une attestation de levée de présomption de salariat aux ETF, aux exploitants agricoles et aux cotisants solidaires, pour l’information de leurs donneurs d’ordres.
L’ETF qui souhaite s’installer doit en faire la déclaration à la Chambre de Commerce et d’Industrie (CCI) du lieu du futur siège de son entreprise. La CCI remplit la fonction, dans son cas, de Centre de Formalités des entreprises (CFE). Elle envoie une copie du volet social de la liasse CFE à la caisse de MSA compétente, qui vérifie les conditions d’assujettissement de l’intéressé au régime de protection sociale des non salariés agricoles.
Il est souligné que le statut d’auto-entrepreneur ne s’applique pas aux personnes qui exercent une activité non salariée agricole, et ne concerne donc pas les ETF. Le régime de protection sociale agricole comporte ses propres dispositifs (principe d’annualité, exonérations de charges en début d’activité) permettant de faciliter le démarrage d’une activité.
Article D722-32 (modifié par le décret n° 2013-528 du 20 juin 2013)
Remplit la condition de capacité ou d’expérience professionnelle requise par l’article L. 722-23 pour que soit levée la présomption de salariat la personne qui remplit l’une des quatre conditions suivantes :
- Être titulaire d’un diplôme dans une option relative aux travaux forestiers d’un niveau correspondant au moins au niveau IV ;
- Justifier par tous moyens appropriés, avant le 1er janvier 2012, d’une année d’activité professionnelle d’au moins 800 heures dans une ou plusieurs exploitations ou entreprises de travaux forestiers, et en outre :
- Soit être titulaire d’un diplôme de niveau V dans une option relative aux travaux forestiers, comprenant une unité de formation sociale, économique et de gestion de l’entreprise forestière;
- b) Soit être titulaire d’un diplôme de niveau V dans une option relative aux travaux forestiers et justifier qu’elle a suivi une formation de gestion d’entreprise forestière dans un établissement habilité par le ministère chargé de l’agriculture ;
- Justifier par tous moyens appropriés, avant le 1er janvier 2012, de trois années d’activité professionnelle d’au moins 800 heures chacune dans une ou plusieurs exploitations ou entreprises de travaux forestiers, et avoir suivi la formation de gestion d’entreprise forestière mentionnée au b du 2° du présent article ;
- Posséder, compte tenu notamment de diplômes autres que ceux mentionnés ci-dessus ou de ses activités et travaux antérieurs, une capacité ou une expérience professionnelle suffisante.
Les niveaux de diplômes mentionnés au présent article sont ceux figurant au répertoire national des certifications professionnelles visé à l’article L. 335-6 du code de l’éducation.
Article D722-33
Remplit la condition d’autonomie de fonctionnement requise par l’article L.722-23 pour que soit levée la présomption de salariat la personne qui :
- Soit est personnellement employeur de main-d’œuvre salariée pour l’exercice de son activité ;
- Soit remplit simultanément au moins deux des conditions suivantes :
- Être propriétaire ou locataire permanent d’un outillage qui, par sa nature ou son importance, compte tenu des usages professionnels locaux, excède les moyens nécessaires à l’exercice d’une activité salariée ;
- Être inscrit au registre du commerce et des sociétés, sous réserve de l’exception prévue au 1° de l’article L. 722-4 ;
- Être inscrit à un centre de gestion agréé pour la tenue de sa comptabilité.
Article D722-3 (modifié par le décret n° 2013-528 du 20 juin 2013)
Les demandes d’affiliation au régime de protection sociale des personnes non salariées des professions agricoles en qualité d’entrepreneur de travaux forestiers sont transmises par les caisses de mutualité sociale agricole au directeur régional de l’alimentation, de l’agriculture et de la forêt compétent dans la région où est situé le siège de la caisse ou, lorsque celui-ci se situe dans la région Ile-de-France, au directeur régional et interdépartemental de l’alimentation, de l’agriculture et de la forêt.
Les caisses de mutualité sociale agricole transmettent également au directeur régional les demandes de levée de présomption de salariat des personnes redevables de la cotisation de solidarité prévue à l’article L. 731-23.
Le directeur régional transmet à la caisse de mutualité sociale agricole son avis sur la situation des intéressés au regard des conditions fixées aux articles D. 722-32 et D. 722-33.
Après avoir recueilli l’avis du directeur régional, les caisses de mutualité sociale agricole se prononcent sur les demandes d’affiliation et de levée de présomption de salariat ».
La caisse de MSA remet chaque année une attestation de levée de présomption de salariat aux ETF, aux exploitants agricoles et aux cotisants solidaires, pour l’information de leurs donneurs d’ordres.
Article D722-3 (modifié par le décret n° 2013-528 du 20 juin 2013)
Pour l’application de l’article L. 371-4 du code forestier, et aux fins d’information de leurs donneurs d’ordre, les personnes qui satisfont aux dispositions de l’article D. 722-3 doivent être en possession d’une attestation certifiant qu’elles répondent aux conditions de la levée de présomption de salariat.
Pour la première année, cette attestation est établie par la caisse de mutualité sociale agricole et transmise à la personne intéressée, sur demande de cette dernière. Toutefois, si la levée de présomption de salariat fait suite à l’avis du directeur régional mentionné à l’article D. 722-3, la caisse établit l’attestation et la transmet spontanément à la personne intéressée. Pour les années suivantes, cette attestation est renouvelée de façon automatique par la caisse de mutualité sociale agricole qui la transmet à la personne intéressée. Elle est établie dans la limite maximum d’une attestation par année civile et fait foi jusqu’au terme de cette année, sous réserve des dispositions du troisième alinéa du présent article.
La caisse de mutualité sociale agricole remet cette attestation, dans les mêmes conditions, aux exploitants agricoles mentionnés au deuxième alinéa de l’article L. 722-23 du code rural et de la pêche maritime.
Lorsque les personnes mentionnées aux deux précédents alinéas ne satisfont plus aux conditions de la levée de présomption de salariat et de ce fait ne relèvent plus du régime de protection sociale des personnes non salariées des professions agricoles, la caisse de mutualité sociale agricole le leur notifie par lettre recommandée avec avis de réception. La notification précise que ces personnes doivent retourner sans délai leur attestation à la caisse qui la leur a délivrée et qu’elles informent sans délai leurs donneurs d’ordre de leur nouvelle situation par lettre recommandée avec accusé de réception.
Si cette information n’a pas été notifiée aux donneurs d’ordre par la personne qui ne bénéficie plus de la levée de présomption de salariat, les contrats entre cette personne et ses donneurs d’ordre ne peuvent être poursuivis au-delà du terme de l’année civile en cours.