Cette page est extraite du n° 649 (juin 2018) de Forêts de Gascogne, le journal de la forêt cultivée
Une augmentation des prélèvements sans précédent
Depuis longtemps, les sylviculteurs demandaient que des décisions fortes soient prises par la filière cynégétique. Ces attentes ont été écoutées et un plan d’actions de grande ampleur va être lancé.
Face aux demandes des sylviculteurs de mesures fortes en matière de chasse dans les zones les plus affectées, la Fédération Départementale de la Gironde et les présidents d’ACCA (Association Communale de Chasse Agréée) ont proposé un large programme d’actions. Ces mesures, actées par la Direction Départementale des Territoires et de la Mer de la Gironde, laissent ainsi espérer une résolution efficace et pérenne des dégâts de cervidés en forêt.
Le programme d’actions
En Gironde, les travaux avec les chasseurs autour de l’équilibre sylvo-cynégétique et de son rétablissement ont repris dans le cadre d’un groupe de travail départemental au Comité Paritaire régional, visant à produire le bilan des dégâts de gibiers en forêt, et devant proposer un programme d’actions permettant de favoriser l’établissement d’un équilibre sylvo-cynégétique dans les zones les plus affectées.
Il fallait donc préalablement déterminer les zones prioritaires où l’action du cerf remettait en cause la pérennité des peuplements et des reboisements.
En effet, les forêts du territoire girondin ne sont pas égales devant les attaques de cervidés, et si certaines sont particulièrement touchées, d’autres ne connaissent que très peu de dégâts.
Un accord a rapidement été trouvé sur la cartographie des secteurs les plus touchés, se caractérisant par trois zones bien distinctes. Tout d’abord, les communes du Nord Médoc que sont Naujac, Vendays, Vensac. Puis, le centre Médoc avec les communes de Carcans, Hourtin, St-Laurent, St-Germain, Lesparre, Cissac et St-Sauveur. Et enfin, le camp militaire de Captieux.
Ces différentes communes sont donc les zones les plus affectées où des mesures d’urgence doivent être prises, le reste du département étant, lui, classé en zone de vigilance, c’est-à-dire des territoires où des mesures seront prises afin d’éviter l’augmentation des populations de cervidés. Ces zonages ne sont évidemment pas définitifs et sont susceptibles d’évoluer en fonction de l’amélioration ou de la dégradation des indicateurs et différents indices de terrain.
Sur ces zones les plus affectées, il a donc été décidé, conjointement avec la Fédération de Chasseurs, de mener un ensemble d’actions.
ACTION 1 : augmenter les prélèvements de cerfs pour diminuer les populations. C’est la mesure phare sur laquelle les sylviculteurs étaient les plus demandeurs.
ACTION 2 : effectuer un bilan, à mi-saison, de la réalisation des plans de chasse. Cette réalisation à mi-parcours permettra d’ajuster, à la marge, les plans de chasse quantitativement (à la hausse uniquement) si cela est nécessaire.
ACTION 3 : augmenter les plans de chasse en fin de saison lorsque les conditions pour le faire seront réunies. Il s’agit ici, lorsque les détenteurs du plan de chasse de la zone concernée ont terminé, ou presque, la réalisation de celui-ci au mois de janvier, et lorsque les comptages présentent une hausse particulièrement significative des populations, d’attribuer des bracelets supplémentaires, quitte à ce que ceux-ci soient délivrés à titre gratuit. Le total des bracelets ainsi attribués (entre la première attribution et la hausse de fin de saison) constituera alors automatiquement la base de discussion du plan de chasse de la saison suivante.
ACTION 4 : cibler les opérations de chasse sur les zones les plus sensibles, particulièrement sur les parcelles en régénération.
ACTION 5 : mener une politique financière incitative sur le prix des bracelets pour favoriser le prélèvement des femelles. La Fédération Départementale des Chasseurs de la Gironde a prévu en 2018 de passer les bracelets femelle et jeune de 85 à 50 € en laissant le bracelet mâle à 85 €.
ACTION 6 : diversifier les modes de chasse pour faciliter les prélèvements, par exemple par la chasse à l’approche et la chasse à l’affût.
ACTION 7 : améliorer le retour du taux des réalisations des plans de chasse, et ce afin d’avoir une meilleure connaissance des prélèvements et des impacts espérés.
ACTION 8 : conduire les peuplements de façon à faciliter l’action de chasse. Il s’agit donc de promouvoir les mesures de nature à faciliter la chasse, notamment l’entretien des zones ouvertes afin qu’elles puissent être utilisées comme layons de tir par les chasseurs.
ACTION 9 : promouvoir les bonnes pratiques sylvicoles en termes de diversité, c’est-à-dire la valorisation par les sylviculteurs du travail de fond mené depuis de nombreuses années en matière de gestion sylvicole pour le maintien des lisières et des bouquets feuillus.
Certaines de ces actions seront appliquées également sur tout le territoire, y compris donc dans les zones de vigilance (actions 6, 7, 8 et 9). On ne peut que se féliciter de ces différentes actions et de la volonté affirmée des chasseurs d’apporter la solution concrète aux problèmes de dégâts cervidés. Reste cependant à fixer le plan de chasse 2018-2019 pour le cerf, et particulièrement à mettre en œuvre la première action prévoyant une augmentation de ces prélèvements.
Le plan de chasse cerfs 2018-2019
Le Plan de chasse cervidés se détermine suivant l’analyse d’indicateurs appelés « Indices de Changements Écologiques ». Ces ICE sont regroupés en trois familles : l’abondance relative à la population, la performance des individus, notamment la masse corporelle et la mesure squelettique, la pression des animaux sur la flore à travers des indices de consommation et d’abroutissement.
Ces différents indicateurs sont étudiés dans les Unités de Gestion cervidés. Ils permettent ainsi de localiser les zones spécifiques d’effort de chasse, et surtout de pouvoir quantifier les prélèvements à effectuer au cours de la prochaine saison de chasse.
En ce qui concerne l’Unité de Gestion 1 pour le Médoc, lors de la saison 2017-2018, une attribution de 1 492 bracelets de cerfs avait été décidée, ce qui représentait 82 % du plan de chasse départemental. La surface chassable dans l’Unité de Gestion Médoc est de plus de 200 000 hectares et la densité d’attribution aux 1 000 hectares était en 2017-2018 de 7,2 cerfs.
Dans cette Unité, les différents indices et informations de suivi de population montrent très clairement qu’un déséquilibre sur certaines communes confirme la nécessité de l’augmentation substantielle du plan de chasse. En effet, concernant l’Indice Nocturne d’Abondance (le nombre d’animaux vus aux 10 kms sur un même parcours effectué chaque année à la même période), le nombre d’animaux reste important en 2018, tout comme il l’était en 2017.
De la même manière, en ce qui concerne la vitesse de réalisation du plan de chasse, c’est-à-dire le nombre de cerfs prélevés à l’heure, l’indice de 0,28 sur la saison 2017/2018 reste important et indique qu’il faut un peu moins de quatre heures de chasse pour prélever un cerf dans cette Unité de Gestion Médoc.
En ce qui concerne l’indice sur la performance, à savoir le suivi de la masse corporelle des faons, même si cet indice est plus récent, l’année 2017 se caractérise par un poids des faons en très forte diminution, ce qui permet de conclure à une population importante de faons sur la zone étudiée.
Que ce soit sur les indices de consommation, c’est-à-dire l’évolution de la pression de consommation exercée par les ongulés sur la flore lignifiée d’un massif forestier donné, ou les montants des dégâts agricoles indemnisés d’après les dossiers expertisés, là encore les indices plaident en faveur d’une population trop importante sur certaines communes de l’Unité de Gestion, et sur l’augmentation nécessaire du prélèvement.
Reste enfin, parmi tous ces indicateurs, le télé-signalement des dégâts forestiers, qui permet de localiser les zones posant quelques difficultés, mais surtout, en fonction du nombre de déclarations, de quantifier le problème des dégâts en forêt.
Compte tenu de tous ces éléments, la proposition du plan de chasse 2018-2019 dans l’Unité du Médoc est del 811 animaux, ce qui représente une augmentation de 20 % sur ce territoire et de 30 % sur les communes classées en zone rouge.
L’Unité de Gestion 2 du Sud-Bassin dispose d’une superficie chassable de 28 512 ha avec 4 ACCA ou Sociétés de Chasse, et 8 « privés ». Dans cette Unité de Gestion, même si le volume de cerfs prélevé est moins important que dans les autres Unités de Gestion, le taux de réalisation reste important puisqu’il était de 88 %sur la saison 2016-2017 et de 85 % en 2017-2018.
C’est une zone où des dégâts forestiers sont néanmoins signalés, malgré l’attribution au cours de la saison passée de 109 bracelets cerfs. Afin d’éviter que les quelques problèmes très localisés ne se développent, la proposition pour la saison 2018-2019 dans l’Unité de Gestion est une augmentation là-aussi substantielle des plans de chasse passant de 109 à 138.
Enfin, en ce qui concerne l’Unité de Gestion 3 du Sud-Gironde sur un territoire de 100 000 hectares concernant 122 ACCA ou Sociétés de Chasse et 19 privés, l’attribution était, lors de la précédente saison, de 182 bracelets de cerfs pour un taux de réalisation de 79 %.
Il s’agit d’une zone connaissant de façon globale assez peu de dégâts liés aux cerfs, sauf la commune de Captieux, et plus particulièrement le camp militaire, où les derniers chiffres ont pu montrer une énorme surpopulation de cervidés. L’augmentation du plan de chasse sur le camp amène donc, de façon globale, une augmentation du plan de chasse sur l’Unité de Gestion 3, passant ainsi de 182 animaux en 2017-2018 à 326 sur la prochaine saison de chasse.
Le futur plan de chasse 2018-2019 sera donc une saison charnière pour la gestion des cervidés dans les massifs forestiers girondins. En effet, même si les efforts des chasseurs étaient réguliers depuis quelques années, cette augmentation sans précédent des plans de chasse, à l’appui d’indicateurs particulièrement éloquents, montre une prise de conscience dans la gestion cynégétique.
Reste maintenant à réaliser ce plan de chasse, ce qui n’est pas forcément chose facile compte tenu du nombre de prélèvements, et surtout à prolonger cet effort pendant plusieurs années car les augmentations ponctuelles et non répétées ne peuvent résoudre durablement le problème en zone défavorisée.